fond de la chambre s'eleve une estrade couverte d'un tapis de Perse a
fond d'or. Un trone d'argent de huit pieds de haut est au milieu. Quatre
statues d'enfants, portant des corbeilles de fleurs, soutiennent le siege
et le dossier, garnis de velours cramoisi. Le _David_ du Dominiquin, le
_Thomiris_ de Rubens, des tableaux du Guide et de Van Dyck embellissent ce
salon, ou Louis XIV donne audience aux ambassadeurs etrangers, et ou, les
jours d'appartement, on fait de la musique et l'on danse.
[Note 3: Salle N deg. 111, _id_.]
Ces jours-la, tout s'agite, tout s'anime. A l'eblouissante clarte des
lustres, les diamants, les joyaux etincellent.
On s'extasie devant les toilettes resplendissantes des plus belles femmes
de France. "Les uns choisissent un jeu, et les autres s'arretent a un
autre. D'autres ne veulent que regarder jouer, et d'autres que se promener
pour admirer l'assemblee et la richesse de ces grands appartements.
Quoiqu'ils soient remplis de monde, on n'y voit personne qui ne soit d'un
rang distingue, tant hommes que femmes. La liberte de parler y est
entiere.... Cependant le respect fait que personne ne haussant trop la
voix, le bruit qu'on entend n'est point incommode.... Le roi descend de sa
grandeur pour jouer avec plusieurs de l'assemblee qui n'ont jamais eu un
pareil honneur. Ce prince va tantot a un jeu, tantot a un autre. Il ne
veut ni qu'on se leve, ni qu'on interrompe le jeu quand il approche[1]."
[Note 1: _Mercure galant_, decembre 1682.]
A 10 heures, la reunion cesse. C'est le moment ou Louis XIV va souper,
ordinairement au grand couvert, avec la famille royale, dans la piece
qu'on appelle l'antichambre du roi[2]. C'est la qu'est la nef de vermeil,
qui a la forme d'un navire demate. On y enferme, entre des "coussins de
senteurs", les serviettes du monarque. Toutes les personnes qui passent
devant la nef, meme les princesses, doivent saluer, comme devant le lit du
roi, quand on passe dans la chambre a coucher.
[Note 2: Salle no 121 de la _Notice_.]
Le souper fini, Louis XIV rentre dans sa chambre, ou il recoit sa famille
intime, son frere, ses enfants, avec leurs maris ou leurs femmes. Il
cause, jusqu'au coucher, qui a lieu vers minuit ou une heure. Les plus
grands seigneurs ambitionnent l'honneur de porter alors le bougeoir,
pendant que le souverain se deshabille. C'est, comme le remarque
Saint-Simon, une distinction, une faveur qui se compte, tant Louis XIV a
l'art de donner l'etre a de
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