lement ce que devait etre la
conversation de ces deux femmes, si superieures, si instruites, si
spirituelles, et qui, avec des qualites differentes, se completaient, pour
ainsi dire, l'une par l'autre.
Mme de Sevigne, riche et forte nature, jeune et belle veuve, honnete, mais
a l'humeur libre et hardie, eblouissante Celimene, soeur de Moliere, comme
dit Sainte-Beuve, femme vive de caractere, de parole et de plume, justifie
ce que lui disait son amie Mme de La Fayette:
"Vous paraissez nee pour les plaisirs, et il semble qu'ils soient faits
pour vous. Votre presence augmente les divertissements, et les
divertissements augmentent votre beaute lorsqu'ils vous environnent. Enfin
La joie est l'etat veritable de votre ame, et le chagrin vous est plus
contraire qu'a qui que ce soit."
Son image, etincelante comme son esprit, nous apparait au milieu de ces
fetes, que sa plume fait revivre, comme la baguette d'une magicienne.
"Que vous dirais-je? magnificences, illuminations, toute la France, habits
rebattus et broches d'or, pierreries, brasiers de feu et de fleurs,
embarras de carrosses, cris dans la rue, flambeaux allumes, reculements et
gens roues; enfin le tourbillon, la dissipation, les demandes sans
reponses, les compliments sans savoir ce qu'on dit, les civilites sans
savoir a qui l'on parle; les pieds entortilles dans les queues."
Mme de Sevigne, dont les lettres passent de main en main dans les salons
et les chateaux, ecrit un peu pour la galerie. Elle dit d'elle-meme: "Mon
style est si neglige, qu'il faut avoir un esprit naturel et du monde pour
pouvoir s'en accommoder[1]."
[Note 1: Lettre du 23 decembre 1671.]
Mais cela ne l'empeche pas d'avoir conscience de sa valeur. Quand elle
laisse "trotter sa plume, la bride sur le cou"; quand elle donne avec
plaisir a sa fille "le dessus de tous les paniers, c'est-a-dire la fleur
de son esprit, de sa tete, de ses yeux, de sa plume, de son ecritoire", et
que "le reste va comme il peut", elle sait tres bien que la societe
raffole de ce style, ou toutes les graces et toutes les merveilles du
grand siecle se refletent comme dans un miroir. Ses lettres sont des
modeles de _chroniques_, pour nous servir de l'expression moderne. Au XIXe
siecle comme au XVIIe, ce sont deux femmes qui ont remporte la palme dans
ce genre de litterature ou il faut tant d'esprit. Mme Emile de Girardin a
ete la Sevigne de notre epoque.
Mme de Maintenon n'aurait pas pu ou n'aurait pas voulu asp
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