de Maintenon pour Saint-Cyr, qui est son oeuvre,
sa creation, le symbole meme de sa pensee, se comprend d'ailleurs
facilement. C'est la, en effet, que se manifeste le mieux son caractere,
avec son gout de domination, sa haute intelligence, son talent de plume et
de parole, son esprit de gouvernement. Il faut bien le dire, ce n'est pas
la religion seule qui lui fait preferer le couvent au palais. A
Versailles, elle est contrainte, elle est genee, elle obeit; les rayons du
soleil royal, bien que palissant, ont un prestige et un eclat qui
l'intimident encore. A Saint-Cyr, elle est libre, elle commande, elle
gouverne. Cesar aurait mieux aime etre le premier dans un village que le
second a Rome.
Mme de Maintenon trouve plus de plaisir a etre la superieure de religieuses
que la compagne d'un roi. A Versailles, elle regrette peut-etre la couronne
et le manteau d'hermine qui lui manquent. A Saint-Cyr, elle n'en a pas
besoin; car, la, sa royaute ne souleve point de contestation. Ses moindres
paroles sont recueillies comme des oracles. Ses lettres, lues avec une
respectueuse emotion, en presence de toute la communaute, y sont l'objet
d'une admiration unanime. Les religieuses ou les eleves a qui elles sont
adressees s'en vantent comme des titres de gloire. Mme de Maintenon est
presque la reine de France, elle est tout a fait la reine de Saint-Cyr.
Inauguree le 2 aout 1686, la maison d'education de Saint-Cyr fut, pendant
trente annees, l'occupation principale de Mme de Maintenon. Elle s'y
rendait au moins de deux jours l'un, arrivant souvent a 6 heures du matin,
allant de classe en classe, peignant et habillant les petites filles,
edifiant et instruisant les grandes, preferant son role d'institutrice a
tous les amusements et a toutes les splendeurs de Versailles. Rien de
Saint-Cyr ne lui paraissait importun ou deplaisant.
"Nos dames, disait-elle, sont des enfants qui, de longtemps, ne pourront
gouverner. Je m'offre pour les servir; je n'aurai nulle peine a etre leur
intendante, leur femme d'affaires et, de tout mon coeur, leur servante,
pourvu que mes soins les mettent en etat de s'en passer."
Les dames de Saint-Louis,--c'est ainsi qu'on appelait les religieuses de
la maison de Saint-Cyr, avaient, dans le milieu de la journee, une heure
de recreation qu'elles passaient ordinairement autour d'une grande table,
a converser librement en travaillant a l'aiguille. Mme de Maintenon aimait
a venir a ces recreations; elle y apportait
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