ais_.]
[Note 2: Michelet, _Precis sur l'Histoire moderne_.]
Ramener les dissidents a l'unite etait chez Louis XIV une idee fixe. Ce
devait etre, comme on disait alors, le digne ouvrage et le propre
caractere de son regne. Le parlement de Toulouse, les catholiques du Midi,
avaient sollicite la revocation avec instance. Quand le decret parut, ce
fut une explosion d'enthousiasme. Le chancelier Le Tellier, entonnant le
cantique du vieillard Simeon, mourait en disant qu'il ne lui restait plus
rien a desirer, apres ce dernier acte de son long ministere.
Bossuet en arrivait a des transports lyriques: "Ne laissons pas de publier
ce miracle de nos jours. Faisons-en passer le recit aux siecles futurs.
Prenez vos plumes sacrees, vous qui composez les annales de l'Eglise....
Touches de tant de merveilles, epanchons nos coeurs sur la piete de Louis;
poussons jusqu'au ciel nos acclamations, et disons a ce nouveau
Constantin, a ce nouveau Theodose, a ce nouveau Charlemagne, ce que les
six cent trente Peres dirent autrefois dans le concile de Chalcedoine:
"Vous avez affermi la foi, vous avez extermine les heretiques"[1]
[Note 1: Bossuet, _Oraison funebre de Michel Le Tellier_.]
Saint-Simon, qui blame la revocation avec tant d'eloquence, avoue que
Louis XIV etait convaincu qu'il faisait une chose sainte:
"Le monarque ne s'etait jamais cru si grand devant les hommes ni si avance
devant Dieu dans la reparation de ses peches et le scandale de sa vie. Il
n'entendait que des eloges." Les laiques n'applaudissaient pas moins que
le clerge. Mme de Sevigne ecrivait, le 8 octobre 1685: "Jamais aucun roi
n'a fait et ne fera rien de si memorable." Rollin, La Fontaine, La
Bruyere, ne se montraient pas moins enthousiastes que Massillon et
Flechier. Ces vers de Mme Deshoulieres refletaient l'opinion generale:
Ah! pour sauver ton peuple et pour venger la foi,
Ce que tu viens de faire est au-dessus de l'homme.
De quelques grands noms qu'on te nomme,
On t'abaisse; il n'est plus d'assez grands noms pour toi.
Sans doute, Mme de Maintenon se laissa entrainer par le sentiment unanime
du monde catholique; mais ce ne fut nullement elle qui prit l'initiative.
Voltaire l'a reconnu, lorsqu'il a dit:
"On voit par ses lettres qu'elle ne pressa point la revocation de l'edit
de Nantes, mais qu'elle ne s'y opposa point."
Au sujet des abjurations qui n'etaient pas sinceres, elle ecrivait, le 4
septembre 1687: "Je suis indignee contre
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