la communaute."
Non contente de prier, comme la reine des abeilles, elle travaille. Sa
plume et son aiguille sont egalement actives, et c'est tout en brodant
qu'elle fait de veritables sermons, qui ne seraient pas indignes des plus
grands predicateurs. Elle trace, en termes excellents, le portrait des
religieuses et celui des meres de famille.
"J'en connais, dit-elle, qui sont estimees, respectees et admirees de tout
le monde; leurs maris sont si charmes d'elles, qu'ils disent avec
admiration: "Je trouve tout en ma femme; elle me sert d'intendant, de
maitre d'hotel et de gouvernante pour mes enfants."
Parlant a des novices, elle s'ecrie:
"Comptez qu'il n'y a rien sur la terre de si heureux qu'une bonne
religieuse, et rien de si malheureux et de si meprisable qu'une mauvaise.
Se taire, obeir, souffrir, ne point faire souffrir les autres, aimer Dieu
d'un coeur plein et tout ce qu'il veut que nous aimions, supporter
l'imperfection en autrui et point en soi, ne se flatter ni se decourager,
ne compter que sur la croix et ne laisser jamais respirer l'amour-propre
sous aucun pretexte de consolation innocente, voila le royaume de Dieu qui
commence ici-bas; vous n'aurez de bonheur qu'en vous livrant a Dieu sans
reserve et en portant le joug de la religion avec un courage simple qui
vous le rendra doux et leger."
"Priez sans cesse, dit-elle aux dames de Saint-Louis, priez en marchant,
en ecrivant, en filant, en travaillant... Il y a quelque temps que je
voyais vos demoiselles plier du linge avec une activite qui ne leur
laissait pas le loisir de penser ni de s'ennuyer; elles furent un instant
en silence, et ensuite elles chanterent des cantiques; j'admirais
l'innocence de leur vie, et votre bonheur d'eviter tant de peches, en
contenant ainsi ce grand nombre de jeunes personnes dans un age si
dangereux."
Cette femme blasee, desabusee des vanites de la terre, voudrait inspirer a
autrui son degout des biens qu'elle a possedes. Avec quelle conviction
dans l'accent elle disait:
"Les princes et les princesses ne sont ordinairement contents nulle part,
et s'ennuient de tout. A force de chercher les plaisirs, ils n'en peuvent
trouver; ils vont de palais en palais, a Meudon, a Marly, a Rambouillet,
a Fontainebleau, dans le dessein de se divertir. Ce sont des lieux
admirables; vous seriez, vous autres, ravies en les voyant; mais eux s'y
ennuient parce que l'on s'accoutume a tout, et qu'a la longue les plus
belles choses ne f
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