[Note 1: Lettre du 7 juillet 1695.]
Madame, qui avait l'esprit tres observateur, analysait et commentait les
divers genres de "piete" des courtisans. Ce qui la choquait, ce n'etait
pas la devotion et la foi sincere qu'elle respectait, c'etaient les
hypocrites qui s'en font un masque. Elle ne s'indignait pas moins contre
le flot grandissant du scepticisme quand elle ecrivait, en 1699, avec
quelque exageration peut-etre: "La foi est tellement eteinte dans ce pays,
qu'on ne voit presque plus maintenant un seul jeune homme qui ne veuille
etre athee; mais ce qu'il y a de plus etrange, c'est que le meme individu
qui fait l'athee a Paris, joue le devot a la cour; on pretend aussi que
tous les suicides que nous avons en si grande quantite depuis quelque
temps sont causes par l'atheisme."
La jeune noblesse francaise, malgre son elegance; son luxe et son entrain,
ne trouvait pas grace a ses yeux. Elle declarait les jeunes gens
"horriblement debauches et adonnes a tous les vices, sans en excepter le
mensonge et la tromperie. Ils regarderaient comme une honte,
ajoutait-elle, de se piquer d'etre gens d'honneur... Le plus incapable
occupe parmi eux le premier rang; c'est celui-la qu'ils estiment le plus.
Vous pouvez aisement juger d'apres cela quel grand plaisir il doit y avoir
ici pour les honnetes gens; mais je crains qu'en poussant plus loin mes
details sur la cour, je ne vous cause le meme ennui que j'eprouve souvent,
et que cet ennui ne devienne, a la fin, une maladie contagieuse[1]."
[Note 1: Lettre du 18 juillet 1700.]
Avec l'opinion qu'elle avait des courtisans, on comprend combien la
princesse Palatine devait se trouver mal a l'aise au milieu d'eux. En
outre, Allemande jusqu'au bout des ongles, elle souffrait d'etre forcee
de vivre a cote des ennemis de sa patrie, et les incendies du Palatinat
lui semblaient des flammes infernales.
Cette cour, qui jouait et qui dansait pendant qu'on brulait les palais et
les chaumieres d'Allemagne, lui devint un objet d'horreur. L'image des
malheureux expulses de leurs foyers, pilles, depouilles, maltraites,
les ruines de Heidelberg, de Manheim, d'Andernach, de Bade, de Rastadt, de
Spire, de Worms, lui apparaissaient sans cesse. Poursuivie par ces images
comme par des fantomes, elle avait des angoisses, des desespoirs
patriotiques, et, dans ce fastueux palais de Versailles, elle se sentait
comme en prison:
"Dut-on m'oter la vie, s'ecriait-elle, il m'est impossible de ne pas
regr
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