t de cette
femme qui n'a pas ete mere; c'est la ou un coeur moins sec, moins egoiste
qu'on ne le croit, depense ce qui lui reste de force affective, de
tendresse.
Dans cette pieuse demeure, Mme de Maintenon contemple, a travers la brume
du passe, la carriere si accidentee, si etonnante, qu'elle a parcourue.
C'est la qu'elle entend avec emotion le lointain echo des flots orageux
qui ont battu son berceau, agite sa jeunesse, et qui, souvent encore,
troublent ses vieux jours. En voyant tant de jeunes filles sans fortune,
elle evoque le temps ou, malgre sa naissance illustre, elle etait pauvre,
abandonnee. Elle pense a ce qu'il lui a fallu d'intelligence, d'habilete,
de courage, pour lutter contre la misere. Elle se rappelle les pieges que
lui avait dresses l'esprit du mal, les illusions de jeune fille et de
jeune femme, dont la preserverent sa haute raison et son bon sens; elle
resume tous les enseignements que son experience lui suggere. Dans cette
chapelle, dont le silence n'est pas trouble par le murmure de courtisans
plus occupes du roi que de Dieu, elle reflechit a ce que la cour cache
d'intrigues, de vanites et de deceptions.
Dans ce calme sejour, ou la gravite du monastere se trouve heureusement
temperee par la grace de l'enfance et par le charme de la jeunesse, elle
pense a l'aurore et a la nuit, au berceau et a la tombe. Entre Versailles
et Saint-Cyr, il y a pour Mme de Maintenon une sorte d'antithese vivante:
Versailles, c'est l'agitation; Saint-Cyr, c'est le repos. Versailles,
c'est le monde avec ses tourments, ses ambitions, ses folies; Saint-Cyr,
c'est la preface du ciel. Aussi, comme elle prefere son couvent bien-aime
a la cour de Marbre, aux appartements du roi, a la galerie des Glaces, aux
splendeurs du plus beau palais de l'univers!
"Vive Saint-Cyr! s'ecrie-t-elle, vive Saint-Cyr! Malgre ses defauts, on y
est mieux qu'en aucun lieu du monde... Quand il s'agit de Saint-Cyr, c'est
toujours fete pour moi."
En penetrant dans son cher asile, elle est apaisee, consolee:
"Lorsque je vois, dit-elle, fermer la porte sur moi, en entrant dans cette
solitude d'ou je ne sors jamais qu'avec peine, je me sens pleine de joie."
Et quand elle retourne a Versailles:
"J'eprouve, dit-elle encore, un sentiment de tristesse et d'horreur. C'est
la ce qui s'appelle le monde; c'en est le centre; c'est la ou toutes les
passions sont en mouvement: l'interet, l'ambition, l'envie et le plaisir."
Cette preference de Mme
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