une deference apparente et sous
d'obsequieuses protestations de devouement et de respect, la
malveillance, souvent la haine. Telles personnes qui la voyaient sans
cesse et lui temoignaient les plus grands egards, la detestaient
cordialement, et, avec profonde connaissance du coeur humain, elle s'en
apercevait toujours. Au premier rang de ces antipathies secretes contre
Mme de Maintenon, il faut citer l'inimitie sourde et violente de la
princesse Palatine, Madame, seconde femme du duc d'Orleans.
Les accusations portees contre l'epouse de Louis XIV par cette Allemande
impitoyable sont si exagerees et si invraisemblables, qu'elles font plus
de bien que de mal a la memoire de celle qui en fut l'objet. Jamais les
libelles d'Amsterdam, jamais les pamphlets protestants n'ont invente
pareilles enormites. C'est un torrent d'injures, une debauche de haine,
le langage des halles dans le plus beau palais de l'univers. Ce sont des
calomnies qui ne reculent devant rien.
La femme qui se livrait, dans sa correspondance, a cette fureur de
diatribes, est, a coup sur, l'une des figures les plus originales de la
galerie feminine de Versailles. Physique, moral, style, caractere, tout
chez elle est bizarre. Ne ressemblant a personne et contrastant avec tout
ce qui l'entoure, elle sert, en quelque sorte, de repoussoir aux beautes
fines et delicates de son temps. Aucune femme ne s'est, croyons-nous,
mieux fait connaitre que la princesse Palatine dans ses lettres. Elle y
est tout entiere, avec ses defauts et ses qualites, son curieux melange
d'austerite de moeurs et de cynisme de langage, ses hauteurs de grande
dame et ses expressions de femme du peuple, son pretendu dedain pour les
grandeurs humaines et son amour acharne pour les prerogatives du rang.
C'est la princesse dont Saint-Simon a si nettement trace le portrait:
franche et droite, bonne et bienfaisante, grande en toutes ses manieres,
et petite au dernier point sur tout ce qui regarde ce qui lui est du.
C'est la femme aux allures masculines, sans coquetterie, sans envie de
plaire, mais sans retenue dans ses propos, ayant dans le caractere et dans
les gouts quelque chose d'apre et de martial, aimant les chiens, les
chevaux, la chasse, dure pour elle-meme, se guerissant, si par hasard elle
est souffrante, en faisant a pied deux grandes lieues. Ce qu'elle
represente exactement par son type si original, ce n'est pas l'Allemagne
poetique, sentimentale, reveuse; c'est l'Allemagne rustiqu
|