c'est-a-dire l'expression du mot, qui
est attribuable a divers, et quoique les discours soient des mots, ce
ne sont pas les mots, mais les discours qui sont universels. Quant aux
choses, s'il etait vrai qu'une chose put s'affirmer de plusieurs choses,
une seule et meme chose se retrouverait egalement dans plusieurs, ce qui
repugne. Voila bien ce que nous disait Jean de Salisbury, qu'aux yeux de
l'ecole d'Abelard l'attribution d'une chose comme predicat a une autre
chose etait une monstruosite. On peut se rappeler que l'ecole megarienne
l'avait dit formellement: "Une chose ne peut etre affirmee d'une
autre[108]."
[Note 108: Voy, ci-dessus, c. vi, p. 478, c. viii, p. 17, 60 et 70.]
Il est assurement fort difficile aux modernes de saisir une distinction
entre ce systeme et le pur nominalisme, et nous savons que certains
contemporains d'Abelard n'en ont decouvert aucune. Quant a lui, il
en trouvait une cependant. La doctrine de Roscelin etait plus que du
nominalisme; elle ne portait pas d'ailleurs ce nom; c'etait la doctrine
des voix, _sententia vocum_, Les premiers nominaux furent appeles
_vocaux_ (_vocales_)[109]. Abelard tenait expressement a les charger de
cette opinion absolue que les universaux n'etaient que des voix, ou que
les voix etaient les universaux.
[Note 109: On ne trouve ces noms de realistes et de nominaux que vers le
milieu du XIIe siecle. (Johan. Saresb., epist. CCXXVI.--_Metal._, t. II,
c. x.--Gautofred, a S. Vict., _Carmina, Hist. litt._, t. XV, p. 82.) La
distinction entre les deux opinions etait meme plutot exprimee par celle
de i>Dialectica_ in re et in _Dialectica in voce_. (_Herlman., restaur,
abb. S. Martin Ternac._ Spicileg., t. III. p. 889.--_Fragm. hist. franc,
a Reg. Roberto_; Bulaeus, _Hist. univ. par._, t. I, p. 443.--Voy. Aussi
plus haut, c. II, p. 66, 67.) On a appele plus tard les nominaux
_verbales_, _formales_, _connetistae_. (Morhof., _Polyhist._, t. II, l.
II, c. XIII, p. 73.)
Soit que les adversaires de Roscelin eussent meconnu sa doctrine, soit
que ce fut un esprit violent, capable d'adopter par reaction et de
soutenir par entetement un paradoxe grossier, il faut bien savoir qu'on
lui a de son temps communement impute un nominalisme hyperbolique, un
systeme invraisemblable qui choque le sens commun[110], et qui, hors des
sensations des choses individuelles, ne voit de reel dans les genres et
les especes que des sons. Sa doctrine, telle qu'on la represente,
est quelque chose
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