int a ses joues fletries, ses levres fremirent, ses yeux lancerent des
flammes; sa main, obeissant a un mouvement involontaire, tira sa dague
hors du fourreau.
Orio etait brave, brave jusqu'a la temerite; il l'avait prouve en mainte
occasion: il prouva par la suite qu'il l'etait jusqu'a la folie. Cependant
en cet instant il eut peur; il n'est de veritable et d'infaillible
bravoure que celle des coeurs veritablement grands et infailliblement
genereux. Tant qu'un homme aime la vie avec l'aprete du materialisme, tant
qu'il est attache aux faux biens, il pourra s'exposer a la mort pour
augmenter ses jouissances ou pour acquerir du renom; car les satisfactions
de la vanite sont au premier rang dans le bonheur des egoistes: mais qu'on
vienne surprendre un tel homme au faite de sa felicite, et que, sans lui
offrir un appat de richesse ou de gloire, on l'appelle a la reparation
d'un tort, on pourra bien le trouver lache, et tout son respect humain ne
le cachera pas assez pour qu'on ne s'en apercoive.
Orio etait sans armes, et son adversaire avait sur lui l'avantage de la
position; il pensa d'ailleurs qu'Ezzelin etait la de dessein premedite,
que peut-etre, derriere lui, dans quelque embrasure, il avait des
complices. Il hesita un instant, et tout a coup, vaincu par l'horreur de
la mort, il tourna rapidement sur lui-meme, et redescendit l'escalier avec
l'agilite d'un daim. Ezzelin stupefait s'arreta un instant. "Orio lache!
s'ecriait-il en lui-meme; Orio le duelliste, l'arrogant, le batailleur!
Orio, le heros de la derniere guerre! Orio fuyant ma rencontre!"
Il descendit lentement l'escalier jusqu'a la derniere marche, curieux de
voir si Orio allait revenir a lui muni de sa dague, et desirant au fond
qu'il ne le fit pas; car, la raison ayant repris le dessus, il sentait la
folie et la deloyaute de son premier mouvement. Il se trouva dans la
galerie inferieure; il y vit Orio au milieu de plusieurs valets, affectant
de leur donner des ordres, comme s'il eut ete averti, par un souvenir
subit, de quelque oubli, et comme s'il fut revenu sur ses pas pour le
reparer. Il avait repris si vite tout son empire sur lui-meme, il
paraissait si calme, si degage, qu'Ezzelin douta un instant si sa
preoccupation ne l'avait pas empeche de le voir dans l'escalier: mais cela
etait fort peu probable. Neanmoins il se promena quelques instants au bout
de la galerie, ayant toujours l'oeil sur lui, et il le vit sortir avec ses
valets par une issue op
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