na la
flotte hiverner a Corfou, ou elle etait a meme de surveiller a la fois
l'Adriatique et la mer Ionienne. En effet, les Turcs ne firent pendant
toute la mauvaise saison aucune tentative serieuse; mais les habitants des
ecueils du golfe de Lepante, soumis l'annee precedente par le general
Strasold, profitant du moment ou la violence des vents et la perpetuelle
agitation de la mer empechaient les gros navires de guerre venitiens de
sortir, proteges d'ailleurs contre ceux qu'ils pouvaient rencontrer par la
petitesse et la legerete de leurs barques qui allaient se cacher, comme
des oiseaux de mer, derriere le moindre rocher, se livraient presque
ouvertement a la piraterie. Ils attaquaient tous les batiments de commerce
que les affaires forcaient a tenter ce passage difficile, souvent meme des
galeres armees, s'en emparaient la plupart du temps, pillaient les
chargements et massacraient les equipages. Les Missolonghis surtout
s'etaient refugies dans les iles Curzolari, situees entre la Moree,
l'Etolie et Cephalonie, et causaient d'horribles ravages. Le generalissime,
pour y mettre un terme, envoya, dans les iles les plus infestees, des
garnisons de marins choisis avec de fortes galeres, et en confia le
commandement aux officiers les plus habiles et les plus resolus de
l'armee. Il n'oublia pas Soranzo, qui, ennuye de l'inaction ou se tenait
l'armee, avait l'un des premiers demande du service contre les pirates, et
il lui confia un poste digne de ses talents et de son courage. Il fut
envoye avec trois cents hommes a la plus grande des iles Curzolari, et
charge de surveiller l'important passage qu'elles commandent. Son arrivee
jeta la terreur parmi les Missolonghis, qui connaissaient sa bravoure
indomptable et son impitoyable severite; et dans les premiers temps, il ne
se commit pas un seul acte de piraterie vers les parages qu'il commandait,
tandis que les autres gouvernements, malgre l'activite des garnisons,
continuaient a etre le theatre de frequents et terribles brigandages. Son
oncle, enchante de sa reussite complete, lui fit envoyer par la republique
des lettres de felicitation.
Cependant Orio, trompe dans l'espoir qu'il avait forme de trouver des
ennemis a combattre et a depouiller, voulut tenter un grand coup qui
reparat a son egard ce qu'il appelait l'injustice du sort. Il avait appris
que le pacha de Patras gardait dans son palais des tresors immenses, et
que, se fiant sur la force de la ville et sur le nombre de
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