gie, dit Ezzelin; j'ai gueri
beaucoup de plaies a mes amis et leur ai rendu service a la guerre en les
retirant des mains des empiriques. Si votre seigneurie veut me montrer sa
blessure, je me fais fort de lui donner un bon avis.
--Votre seigneurie a des connaissances universelles et un devouement
infatigable, repondit Orio sechement. Mais cette main est fort bien pansee,
et sera bientot en etat de defendre celui qui la porte contre toute
mechante interpretation et contre toute accusation calomnieuse."
En parlant ainsi, Orio se leva, et, renouvelant ses offres de service a
Ezzelin d'un ton qui cette fois semblait l'avertir qu'il les accepterait
en pure perte, il lui demanda quelles etaient ses intentions pour le
lendemain.
"Mon intention, repondit le comte, est de partir des le point du jour pour
Corfou, et je rends grace a votre seigneurie de ses offres. Je n'ai besoin
d'aucune escorte, et ne crains pas une nouvelle attaque des pirates. J'ai
vu aujourd'hui ce que je devais attendre d'eux, et, tels que je les
connais, je les brave.
--Vous me ferez du moins l'honneur, dit Soranzo, d'accepter pour cette
nuit l'hospitalite dans ce chateau; mon propre appartement vous a ete
prepare...
--Je ne l'accepterai pas, messer, repondit le comte. Je ne me dispense
jamais de coucher a mon bord quand je voyage sur les galeres de la
republique."
Orio insista vainement. Ezzelin crut devoir ne point ceder. Il prit conge
de Giovanna, qui lui dit a voix basse, tandis qu'il lui baisait la
main:
"Prenez garde a mon reve! soyez prudent?"
Puis elle ajouta tout haut:
"Faites mon message fidelement aupres d'Argiria."
Ce fut la derniere parole qu'Ezzelin entendit sortir de sa bouche. Orio
voulut l'accompagner jusqu'a la poterne du donjon, et il lui donna un
officier et plusieurs hommes pour le conduire a son bord. Toutes ces
formalites accomplies, tandis que le comte remontait sur sa galere, Orio
Soranzo se traina dans son appartement, et tomba epuise de fatigue et de
souffrance sur son lit.
Naam ferma les portes avec soin, et se mit a panser sa main brisee.
* * * * *
L'abbe s'arreta, fatigue d'avoir parle si longtemps. Zuzuf prit la parole
a son tour, et, dans un style plus rapide, il continua a peu pres en ces
termes l'histoire de l'Uscoque:
"Laisse-moi, Naam, laisse-moi! Tu epuiserais en vain sur cette blessure
maudite le suc de toutes les plantes precieuses de l'Arabie, et tu d
|