zo, malgre
l'espece d'aversion qu'il inspire generalement, comme je ne sache pas que
jamais aucune action basse ou mechante ait merite cette antipathie, j'ai
du me taire lorsque j'ai vu qu'il l'emportait sur moi dans le coeur de
votre niece. Chercher a me rehabiliter dans l'esprit de Giovanna aux
depens d'un autre, ne convenait point a ma maniere de sentir. Quoi qu'il
m'en eut coute cependant, je l'eusse fait, si j'eusse cru messer Soranzo
tout a fait indigne de votre alliance; j'eusse du cet acte de franchise a
l'amitie et au respect que je vous porte; mais les beaux faits d'armes de
messer Orio, a la derniere campagne, prouvent que, s'il a ete capable de
ruiner sa fortune, il est capable aussi de la relever glorieusement. Ne me
demandez pas pour lui ma sympathie, et ne me commandez pas de lui tendre
la main; je serais force de vous desobeir. Mais ne craignez pas que je le
decrie ni que je le provoque; j'estime sa vaillance, et il est votre neveu.
--Il suffit, dit le general en embrassant de nouveau le noble Ezzelin;
vous etes le plus digne gentilhomme de l'Italie, et mon coeur saignera
eternellement de ne pouvoir vous appeler mon fils. Que n'en ai-je un! et
qu'il fut doue de vos grandes qualites! je vous demanderais pour lui la
main de cette belle et noble enfant, que j'aime presque autant que ma
Giovanna." En parlant ainsi, Francesco Morosini prit le bras d'Argiria, et
la ramena dans la grande salle, ou l'illustre et nombreuse compagnie
commencait les jeux et les divertissements d'usage.
Ezzelin y resta quelques instants; mais, malgre tout l'effort de sa vertu,
il etait devore de douleur et de jalousie; ses levres serrees, son regard
fixe et terne, la roideur convulsive de sa demarche, sa gaiete forcee,
tout en lui trahissait la souffrance profonde dont il etait ronge. N'y
pouvant plus tenir, et voyant sa soeur oublier ses ressentiments et cesser
de le suivre d'un oeil inquiet pour s'abandonner aux affectueuses
prevenances de Giovanna, il sortit par la premiere porte qui se trouva
devant lui, et descendit un escalier tournant assez etroit, qui conduisait
a une galerie inferieure. Il allait sans but, ne sentant qu'un besoin
instinctif de fuir le bruit et d'etre seul. Tout a coup il vit venir a lui
un cavalier qui montait legerement l'escalier et qui ne le voyait pas
encore. Au moment ou ce cavalier releva la tete, Ezzelin reconnut Orio, et
toute sa haine se reveilla comme par une explosion electrique; la couleur
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