. Elle y reste jusqu'au jour,
perdue dans des reves sinistres.
Cependant une ligne incertaine encore traverse le linceul immense de la
nuit et commence a separer au loin le ciel et la mer. Orio, plus calme,
s'est souleve sur son chevet. Il se debat encore contre les visions de la
fievre; mais sa volonte les surmonte, et l'aube va les chasser. Il
ressaisit peu a peu ses souvenirs, il embrasse enfin la realite.
Il appelle Naam; la mandore de la jeune Arabe, suspendue a la muraille,
repond seule par une vibration melancolique a la voix du maitre.
Orio repousse ses pesantes courtines, pose ses pieds sur le tapis, promene
ses regards inquiets autour de l'appartement ou tremble a peine la lueur
du matin. La trappe est toujours baissee, Naam n'est pas de retour.
Il ne peut resister a l'inquietude, il essaye ses forces, il souleve la
trappe, il descend quelques marches; il sent que son energie revient avec
l'activite. Il arrive a l'issue des galeries interieures du rocher, la ou
Naam a laisse une partie de ses vetements et l'echelle de cordes attachee
encore aux crampons de fer. Il interroge les flots avec anxiete. Les
angles du roc lui cachent le cote qu'il voudrait voir. Il voudrait
descendre l'echelle, mais, sa main blessee ne pourrait le soutenir dans
cette perilleuse traversee. D'ailleurs, le jour augmente, et les
sentinelles pourraient le remarquer, et decouvrir cette communication avec
la mer, connue de lui seulement et du petit nombre des affides. Orio subit
toutes les souffrances de l'attente. Si Naam est tombee dans quelque
embuche, si elle n'a pu transmettre son message a Hussein, Ezzelin est
sauve, Soranzo est perdu! Et si Hussein, en apprenant la blessure qui met
Orio hors de combat, allait le trahir, vendre son secret, son honneur et
sa vie a la republique! Mais tout a coup Orio voit sa galeace sortir sur
toutes voiles de la baie, et se diriger vers le sud. Naam a rempli sa
mission! Il ne songe plus a elle. Il retire l'echelle et retourne dans sa
chambre; c'est Naam qui l'y recoit. La joie du succes donne a Orio les
apparences de la passion; il la presse contre son sein; il l'interroge
avec sollicitude.
"Tout sera fait comme lu l'as commande, dit-elle; mais le vent ne cesse
pas de souffler de l'ouest, et Hussein ne repond de rien si le vent ne
change; car, si la galere le gagne de vitesse, ses caiques ne pourront lui
donner la chasse sans s'exposer, en pleine mer, a des rencontres
funestes.
--Hussein e
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