mais les choses qu'il
repondait, par habitude, ne l'interessaient pas plus que celles qu'il
entendait, et il avait envie de s'en aller, de ne plus ecouter, de
ne plus comprendre, sachant d'avance tout ce qu'on dirait sur ces
antiques questions d'art dont il connaissait toutes les faces.
Il aimait ces choses pourtant, elles avait aimees jusqu'ici d'une
facon presque exclusive, mais il en etait distrait ce jour-la par une
de ces preoccupations legeres et tenaces, un de ces petits soucis qui
semblent ne nous devoir point toucher et qui sont la malgre tout,
quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, piques dans la pensee comme une
invisible epine enfoncee dans la chair.
Il avait meme oublie ses inquietudes sur ses baigneuses pour ne se
souvenir que de la tenue deplaisante du marquis aupres d'Annette. Que
lui importait, apres tout? Avait-il un droit? Pourquoi aurait-il voulu
empecher ce mariage precieux, decide d'avance, convenable sur tous les
points? Mais aucun raisonnement n'effacait cette impression de malaise
et de mecontentement qui l'avait saisi en voyant le Farandal parler et
sourire en fiance, en caressant du regard le visage de la jeune fille.
Lorsqu'il entra, le soir, chez la comtesse, et qu'il la retrouva seule
avec sa fille continuant sous la clarte des lampes leur tricot pour
les malheureux, il eut grand'peine a se garder de tenir sur le marquis
des propos moqueurs et mechants, et de decouvrir aux yeux d'Annette
toute sa banalite voilee de chic.
Depuis longtemps, en ces visites apres diner, il avait souvent des
silences un peu somnolents et des poses abandonnees de vieil ami qui
ne se gene plus. Enfonce dans son fauteuil, les jambes croisees,
la tete en arriere, il revassait en parlant et reposait dans cette
tranquille intimite son corps et son esprit. Mais voila que, soudain,
lui revinrent cet eveil et cette activite des hommes qui font des
frais pour plaire, que preoccupe ce qu'ils vont dire, et qui cherchent
devant certaines personnes des mots plus brillants ou plus rares pour
parer leurs idees et les rendre coquettes. Il ne laissait plus trainer
la causerie, mais la soutenait et l'activait, la fouaillant avec sa
verve, et il eprouvait, quand il avait fait partir d'un franc rire la
comtesse et sa fille, ou quand il les sentait emues, ou quand il les
voyait lever sur lui des yeux surpris, ou quand elles cessaient de
travailler pour l'ecouter, un chatouillement de plaisir, un petit
frisson de succes qui le p
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