ocedes d'actrice, et bien qu'elle se creat ainsi au
grand jour une blancheur un peu suspecte, elle obtint aux lumieres
cet eclat factice et charmant qui donne aux femmes bien fardees un
incomparable teint.
La constatation de cette decadence et l'emploi de cet artifice
modifierent ses habitudes. Elle evita le plus possible les
comparaisons en plein soleil et les rechercha a la lumiere des lampes
qui lui donnaient un avantage. Quand elle se sentait fatiguee, pale,
plus vieillie que de coutume, elle avait des migraines complaisantes
qui lui faisaient manquer des bals ou des spectacles; mais les jours
ou elle se sentait en beaute, elle triomphait et jouait a la grande
soeur avec une modestie grave de petite mere. Afin de porter toujours
des robes presque pareilles a celles de sa fille, elle lui donnait des
toilettes de jeune femme, un peu graves pour elle; et Annette, chez
qui apparaissait de plus en plus un caractere enjoue et rieur, les
portait avec une vivacite petillante qui la rendait plus gentille
encore. Elle se pretait de tout son coeur aux maneges coquets de sa
mere, jouait avec elle, d'instinct, de petites scenes de grace, savait
l'embrasser a propos, lui enlacer la taille avec tendresse, montrer
par un mouvement, une caresse, quelque invention ingenieuse,
combien elles etaient jolies toutes les deux et combien elles se
ressemblaient.
Olivier Bertin, a force de les voir ensemble et de les comparer sans
cesse, arrivait presque, par moments, a les confondre. Quelquefois, si
la jeune fille lui parlait alors qu'il regardait ailleurs, il etait
force de demander: "Laquelle a dit cela?" Souvent meme, il s'amusait
a jouer ce jeu de la confusion quand ils etaient seuls tous les trois
dans le salon aux tapisseries Louis XV. Il fermait alors les yeux
et les priait de lui adresser la meme question l'une apres l'autre
d'abord, puis en changeant l'ordre des interrogations, afin qu'il
reconnut les voix. Elles s'essayaient avec tant d'adresse a trouver
les memes intonations, a dire les memes phrases avec les memes
accents, que souvent il ne devinait pas. Elles etaient parvenues, en
verite, a prononcer si pareillement, que les domestiques repondaient
"Oui, madame", a la jeune fille et "Oui, mademoiselle" a la mere.
A force de s'imiter par amusement et de copier leurs mouvements, elles
avaient acquis ainsi une telle similitude d'allures et de gestes, que
M. de Guilleroy lui-meme, quand il voyait passer l'une ou l'autre dans
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