ayait de sa peine.
Il revenait maintenant chaque fois qu'il les savait seules, et jamais,
peut-etre, il n'avait passe d'aussi douces soirees.
Mme de Guilleroy, dont cette assiduite apaisait les craintes
constantes, faisait, pour l'attirer et le retenir, tous ses efforts.
Elle refusait des diners en ville, des bals, des representations, afin
d'avoir la joie de jeter dans la boite du telegraphe, en sortant a
trois heures, la petite depeche bleue qui disait: "A tantot." Dans
les premiers temps, voulant lui donner plus vite le tete-a-tete
qu'il desirait, elle envoyait coucher sa fille des que dix heures
commencaient a sonner. Puis, voyant un jour qu'il s'en etonnait et
demandait en riant qu'on ne traitat plus Annette en petit enfant pas
sage, elle accorda un quart d'heure de grace, puis une demi-heure,
puis une heure. Il ne restait pas longtemps d'ailleurs apres que la
jeune fille etait partie, comme si la moitie du charme qui le tenait
dans ce salon venait de sortir avec elle. Approchant aussitot des
pieds de la comtesse le petit siege bas qu'il preferait, il s'asseyait
tout pres d'elle et posait, par moments, avec un mouvement calin,
une joue contre ses genoux. Elle lui donnait une de ses mains, qu'il
tenait dans les siennes, et sa fievre d'esprit tombant soudain, il
cessait de parler et semblait se reposer dans un tendre silence de
l'effort qu'il avait fait.
Elle comprit bien, peu a peu, avec son flair de femme, qu'Annette
l'attirait presque autant qu'elle-meme. Elle n'en fut point fachee,
heureuse qu'il put trouver entre elles quelque chose de la famille
dont elle l'avait prive; et elle l'emprisonnait le plus possible entre
elles deux, jouant a la maman pour qu'il se crut presque pere de cette
fillette et qu'une nuance nouvelle de tendresse s'ajoutat a tout ce
qui le captivait dans cette maison.
Sa coquetterie, toujours eveillee, mais inquiete depuis qu'elle
sentait, de tous les cotes, comme des piqures presque imperceptibles
encore, les innombrables attaques de l'age, prit une allure plus
active. Pour devenir aussi svelte qu'Annette, elle continuait a ne
point boire, et l'amincissement reel de sa taille lui rendait en effet
sa tournure de jeune fille, tellement que, de dos, on les distinguait
a peine; mais sa figure amaigrie se ressentait de ce regime. La peau
distendue se plissait et prenait une nuance jaunie qui rendait plus
eclatante la fraicheur superbe de l'enfant. Alors elle soigna son
visage avec des pr
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