uses et devotes de F...,
qu'avec les Sand et consorts. Mais je lui remonte le moral, parce que
son roman est veritablement un progres sur ceux qui precedent.
Embrassez, pour Lina et pour moi, toute la chere famille. Aurore vous
envoie des baisers a poignee en se manierant de la facon la plus
comique.
G. SAND.
[1] M. Desplanches. Voir la lettre DCIII, qui lui est adressee.
DCXXXV
A M. LOUIS VIARDOT, A PARIS[1]
Nohant, 24 avril 1867,
Mon cher incredule,
C'est tres bien, tres bien dit et pense. Je ne vous dis pas non.
Seulement je vous dis: Il y a plus que ca. Vous etes dans le vrai; mais
le vrai n'est pas un chemin ferme; au dela du but atteint, il y a encore
autre chose qui est encore le vrai, et ainsi toujours jusqu'a la fin des
siecles de l'humanite. Si la raison et l'experience fermaient le livre
de la vie intellectuelle, elles ne vaudraient pas beaucoup mieux que les
chimeres d'un spiritualisme mal entendu. Je pense, moi, que vous n'avez
pas assez tenu compte de l'importance du sentiment dans les elements
de la certitude. Vous trouvez trop commode de le supprimer comme une
aimable hypothese; vous oubliez qu'il a juste autant de valeur que la
raison, et que l'induction ne le cede en rien a la deduction. Je ne vous
donnerai pas la clef qui ouvrira les deux portes a la fois pour nous
faire penetrer dans le monde des idees completes. Je ne l'ai pas, je
suis trop bete; mais je sais bien qu'il y a une double entree, et que
vous ne frappez qu'a une seule. Sur ce, continuez a frapper; cela ne
peut faire que du bien; car le seul malice sont les portes qui ne
s'ouvrent pas. Je vous embrasse avec amitie.
Et je dis a Pauline:
Fille cherie, vous me tentez bien; mais, helas! vous ne savez pas comme
je suis vieille depuis six mois. J'avais arrange ma vie pour avoir un
peu de liberte, et j'en aurais si je me portais bien. Mais me voila a
chaque instant faible et bonne a rien. Le printemps me ranime, et tout
a coup m'ecrase. Vais-je reprendre mon activite et la jeunesse de
soixante-trois ans que je croyais revenue l'annee derniere? C'est
ambitieux, et, s'il faut me resigner a mon vrai age, c'est comme
_Dieu voudra_. Que Louis me pardonne cette _hypothese_; moi, j'en ai
l'habitude, et je n'accuse pas Dieu quand je suis malade; mais je lui
demande tout de meme de me donner la force d'aller vous voir, ma chere
fille, avant de prendre des bequilles. Nous verrons ce qu'il deci
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