, j'avais une bosse froide dans le cerveau;
le miasme cholerique est tres irritant, j'ai eu par consequent le
cholera cerebral. Etant a l'asile, j'ai eu l'intelligence de ce qui
m'est arrive. Mes acces anterieurs ont eu lieu par violations exercees
sur ma personne; mais le bras de Dieu s'est appesanti d'une maniere
effrayante sur ceux qui ne sont pas revenus a lui ... etc."
Que l'on fasse abstraction de l'absurdite des idees et que l'on
considere seulement la brievete et la rondeur des phrases, leur suite
incoherente ou faiblement liee, toute l'allure mesuree et cadencee de ce
petit morceau; il semblera incontestable aux personnes qui ne repugnent
pas par prejuge a l'assimilation d'un fou et d'un homme de genie, que
certains passages de Flaubert sont l'analogue lointain et cependant
exact de cette litterature d'asile. Que l'incoherence resulte d'une
concentration volontaire puis habituelle de l'effort d'exprimer
successivement en une forme difficile chacune des pensees qui le
traversent, ou qu'elle provienne chez l'aliene--comme cela est
probable,--d'une irregularite de la circulation sanguine cerebrale,
semblable a celle qui produit la fantaisie des reves,--en d'autres
termes que ce soit l'attention[3] ou la maladie qui abaissent l'activite
commune de l'encephale, au profit de ses parties, le resultat est
physiologiquement et psychologiquement le meme. L'incoherence faible de
Flaubert, terme extreme de celle de tous les artistes qui "font le
morceau" est l'antecedente de celle du reve, qui precede celle du
delire, et celle des maniaques. Entre tous ces derangements, il n'est de
contraste que ceux de l'intensite et de la permanence.
_Generalisation sur les causes_: L'on remarquera que cette alteration du
langage qui produisit chez Flaubert de si belles et maladives fleurs,
est analogue si l'on abstrait de ses developpements ultimes, a celle qui
cause chez tout un groupe d'ecrivains nommes par excellence les
"artistes", ce qu'on appelle encore par excellence, le "style". On sait
qu'entre lettres ces termes ne sont appliques qu'a des prosateurs et des
poetes posterieurs au romantisme, et a aucun des etrangers. Si l'on note
le caractere commun de "l'ecriture artiste" chez des gens aussi
dissemblables que les de Goncourt, Baudelaire, Leconte de l'Isle, Th. de
Banville, Huysmans, Villiers de l'Isle-Adam, Cladel, on remarquera que
tous affectionnent une forme de phrase et une serie de mots qui
demeurent identiques a traver
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