onc fier, vivant squelette,
Montrant ses poings de bronze aux souffles furieux
Tordant ses coudes noirs, il soit le sombre athlete
D'un pugilat mysterieux.
Les strophes se suivent ainsi, bondissantes et fuyantes, emportant le
lecteur a ne plus voir le chene que quelques proscrits ont plante sur
une plage, et l'idee revolutionnaire qu'il figure, mais un lutteur
monstreux a forme demi-humaine opposant a l'assaut d'elements
passionnes, des racines douees d'obstination et des branches
volontairement noueuses.
M. Victor Hugo excelle ainsi a rendre pittoresques par des metaphores
materielles, certaines propositions psychologiques, que l'on ne saurait
decrire qu'en vers ternes. La connivence des timores et des violents est
ainsi transposee:
Les peureux font l'audace; ils ont avec le glaive
La complicite du fourreau.
et la communaute de faute qui en resulte, ainsi:
Reste, elle est la, le flanc perce de leur couteau
Gisante; et sur sa biere
Ils ont mis une dalle; un pan de ton manteau
Est pris sous cette pierre.
S'il est des mots qui puissent rendre la vague terreur d'un tyran
inquiet des murmures des honnetes gens, ce sont des vers comme ceux-ci:
Et ces paroles qui menacent,
Ces paroles dont l'eclair luit,
Seront comme des mains qui passent
Tenant des glaives dans la nuit.
La joie sereine des beaux dieux, que les poetes ont montres planant
au-dessus de nuees d'or, resplendit en une magnifique succession
d'images, que terminent ces deux vers radieux:
Ils savouraient ainsi que des fruits magnifiques
Leurs attentats benis, heureux, inexpies.
De splendides paroles font presque imaginer le mystere de l'immortalite
de l'ame:
Quand nous en irons-nous ou sont l'aube et la foudre?
Quand verrons-nous deja libres, hommes encor
Notre chair tenebreuse en rayons se dissoudre
Et nos pieds faits de nuit, eclore en ailes d'or?
L'infinite de l'espace est presque concue comme reelle en ces vers:
Il vit l'infini porche horrible et reculant
Ou l'eclair, quand il entre, expire triste et lent.
Ce don de materialisation, cette aptitude a transposer les choses
inimaginables en correspondances plus corporelles, a permis a M. V. Hugo
d'ecrire les singulieres pieces finales de la _Legende des Siecles_ et
des _Contemplations_, ces tentatives desesperees d'exprimer
l'inexprimable et l'inintelligible, ou le poete livrant
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