l'_Homme qui rit_,
toute purete, la duchesse Josiane, toute frivolite charnelle,
Birkilphedro le perfide; dans _les Travailleurs_, l'hypocrite Clubin, le
noble Gilliatt; dans _les Miserables_, Cosette, pure amante, Marius, le
jeune premier type; dans _Quatre-vingt-treize_, le marquis de Lantenac,
Cimourdain, "l'effrayant homme juste"; dans les drames, tous les
amoureux d'Hernani a Sanche, et de Dona Sol a Rosa, tous les vieillards
de Don Ruy a Frederic de Hohenstaufen, plus quelques fourbes sans
alliage. Toute cette foule, partagee en classes diverses, agit, vit et
meurt d'une facon rectiligne, repete les memes actes et les memes
paroles, fait les memes gestes et porte les memes mines du berceau au
cercueil, sans que le poete se soucie de mettre au nombre de leurs
composants un grain de la complexite, des contradictions et de
l'instabilite que montrent tous les etres vivants.
M. Hugo n'a pas commis toujours, et entierement, cette omission. Dans
ses principales creatures il a legerement devie de cette psychologie
congrue, non pourtant sans concilier avec son intuition partielle des
complications humaines son amour de la simplicite. Il separe la vie de
ses heros en deux parties, generalement de signes contraires,
l'existence avant la crise, celle posterieure, toutes deux unes et
coherentes, mais d'attributs diametralement adverses. Valjean, odieux
et haineux, forcat, passe chez M. Myriel et, peu apres, devient le plus
angelique des hommes vertueux; l'inexorable Javert est saisi en un
moment de scrupules misericordieux qui le font se suicider. Charles
Quint devient de coureur d'aventures, empereur serieux, Ruy Blas
d'amant-poete, grand ministre. Marion Delorme amoureuse, n'est plus
Marion la courtisane.
* * * * *
Enfin, M. Victor Hugo atteint, au plus bas de sa profondeur, en
concevant parfois des ames geminees, partagees en deux moities
distinctes et generalement contradictoires, par une absolue fissure,
Marie Tudor, reine, est irritee contre son amant, puis se remet a
l'aimer, puis commande qu'on le tue, puis le gracie. Cromwell passe de
son attitude de mari peureux a celle de chef des tetes-rondes.
Gwynplaine est oscillant entre son amour pour Dea et son amour pour
Josiane; M. Gillenormand, entre sa haine des bonapartistes et son
affection pour le fils de l'un d'eux. Lucrece Borgia est maternelle et
scelerate; Triboulet, paternel et proxenete; Gauvain, inflexible et
humain. Cette s
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