utes choses et pour tous les hommes reels. Ces spectacles quotidiens
et cette humanite courante, incapables d'aucun developpement extreme, ne
contenant de l'energie universelle qu'une imperceptible dose, mesquins,
transitoires et negligeables, presents cependant et s'imposant sans
cesse a l'attention de son intelligence realiste, l'exasperent,
l'affligent, le degoutent et l'attirent. M. Zola est la victime de ses
sens. Son pessimisme vient de la contradiction incessante entre la
realite qu'il ne peut ne pas voir et l'ideal dynamique que sa nature de
lutteur le force a creer et a aimer. En ces deux termes dont nous venons
de marquer la cooperation et l'antagonisme--realisme intellectuel,
idealisme volitionnel--son organisation cerebrale peut etre resumee.
Avec l'exemple de Dickens, des de Goncourt, des romanciers russes,
par-dessus tout de Balzac, le double temperament de M. Zola montre qu'il
n'existe pas plus d'ecrivains purement realistes qu'il n'y a d'absolus
idealistes.
* * * * *
L'OEUVRE[9]
PAR EMILE ZOLA
Le nouveau livre de M. Zola est un roman; il est aussi un code
d'esthetique. Cette esthetique est absurde. Les lieux communs de
l'intransigeance imperturbablement opposes aux lieux communs de l'ecole,
prennent avec ceux-ci un air d'inconstestable ressemblance. Les uns
disent: il faut peindre noble; les autres, il faut peindre en plein air,
il faut peindre clair, il faut peindre d'apres nature; et voila Claude
Lantier qui se met a proferer des maledictions contre les artistes sans
aveu, qui fabriquent leurs tableaux dans le "jour de cave" d'un atelier.
Il est oiseux de demander si Rembrandt peint en plein air, s'il peint
clair, et d'apres nature, ses anges et son _Bon Samaritain_. Il vaut
mieux faire observer qu'un precepte de facture reste une simple
recette, que peindre d'une certaine facon ne veut jamais dire peindre
bien de cette facon, que l'important est de peindre bien et que la facon
n'y est pour rien, que Velasquez et Rubens se valent, que toutes les
querelles et les gros mots sur les procedes manuels de l'art ne
signifient rien, que la seule chose necessaire est d'avoir du genie, que
les procedes meme de Cabanel, de Bouguereau, de Tony Robert Fleury, de
Delaroche et d'Horace Vernet donneraient de magnifiques oeuvres s'ils
etaient employes par des artistes ayant le don, qu'enfin la formule du
plein air est la derniere qu'il faille defendre, puisque, a l'heure
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