lisation. Cesser tout a
coup de penser les choses reelles, en detacher un caractere extremement
comprehensible et ne plus concevoir les individus qu'en tant qu'ils
participent de cet attribut metaphysique est le fait soit d'une
intelligence speculative et savante, soit parfois d'un styliste emerite,
d'un homme au tour d'esprit verbal qui emploie inconsciemment la
synthese que les mots ont faits de nos idees generales. Or M. Zola n'est
ni un ecrivain extraordinaire tel que V. Hugo, ni un homme habitue a
manier les pensees abstraites comme le montre sa psychologie
rudimentaire et les quelques articles ou il a tente d'appliquer a la
litterature les procedes de la science.
C'est en lui-meme et non au dehors que M. Zola a trouve le type de son
ideal. Doue d'un temperament combatif que marquent ses polemiques, ayant
opiniatrement lutte contre la misere, contre l'insucces, contre le
mepris et l'inintelligence publics, possedant la tete massive et les
epaules carrees des entetes, sa volonte tenace, son amour-propre lui ont
donne l'instinct et l'adoration de la force. Borne par d'autres dons a
la carriere litteraire, retire des batailles dans son ermitage de Medan,
la sourde tension de ses centres moteurs s'est depensee a douer
d'energie consciente des etres et des elements que son intelligence lui
montrait faibles et sourds comme ils sont. Choisissant parmi ses
semblables et dans les grands phenomenes naturels ceux qui manifestent
quelque emportement, les petrissant de ses propres mains, servant
indistinctement aux hommes et aux choses les imperieuses effluves qui
sourdaient en lui, il rend colossales les ames et les forces. D'un
ministre mediocre, d'un calicot entreprenant il elabore les types du
despote et de l'exploiteur; ses foules roulent comme des fleuves; ses
mers deferlent en cataractes; ses champs suent la seve, ses edifices
s'etagent demesurement; une mine, un assommoir, un magasin sont de
formidables centres de forces deleteres, bienfaisants, actifs. Et la
femme, force elle aussi, doublement magnifiee en sa puissance par le
volontaire, en son charme par le male, devient la rayonnante et
redoutable creature capable d'enivrer le monde.
Cet absolu amour pour les forts qui seul eut conduit M. Zola a creer de
gigantesques abstractions, controle et contrarie par son exacte vision
de realiste, se retourne en un absolu mepris pour les malades, les
vicieux, les mediocres, les etres mixtes et faibles, c'est-a-dire, pour
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