s les sujets divers qu'ils traitent; en
d'autres termes, tous poursuivent deux buts, et non un seul en ecrivant:
exprimer leur idee,--construire des phrases d'un certain type; en
d'autres termes encore tous sont doues d'un certain nombre de formes
verbales et syntactiques, dans lesquelles ils s'emploient avec une
extraordinaire adresse a rendre les idees qui s'associent ou qui
penetrent dans leur esprit. Les uns n'ont que la somme de pensees que
produit la richesse meme de leurs mots. Nous avons montre que Victor
Hugo est l'exemple de ce type. Les autres parviennent a un accord
parfait entre leurs idees et leur vocabulaire; tels Villiers et
Baudelaire. D'autres enfin, et ce sont les plus artistes des artistes,
reussissent par des miracles d'adresse a exprimer une enorme portion de
realite, des idees absolument adventices et variees, en une langue
toujours la meme et qui joint une beaute propre au rendu de la verite;
les de Goncourt et M. Huysmans sont de ceux-ci, Flaubert en fut aussi
dans ses romans.
Mais cet artifice ne suffit ni aux uns, ni a l'autre. Que M. de Goncourt
se plut a laisser libre carriere a son style en une oeuvre speciale et
supreme, _La Faustin!_ Flaubert aussi, et plus completement, s'echappa
resolument a plusieurs reprises hors des sujets qui violentaient son
style; il satisfit pleinement ses besoins esthetiques, son amour du beau
et de l'indefini, creant la _Salammbo_ et la _Tentation_, sans plus se
souvenir que Paris existait et que le XIXe siecle devait etre depeint.
_Flaubert_: Cependant le siecle le tentait, le heurtait, et le blessait.
Le pessimisme que provoquait en lui la nostalgie du beau et la vue
d'etres et d'objets sans noblesse, se compliquait de celui qui affecte
tous les artistes, l'acuite pour ressentir la souffrance que cause
l'exces general et delicat de la sensibilite, le pessimisme
sociologique, "l'indignation" a propos de tout que donne aux grandes
intelligences la vue de la betise se passant d'eux pour se mal conduire,
la lassitude qu'implique chez l'artiste moderne sa vie d'etre inutile,
spolie de tout interet humain[4]. Il vecut ainsi douloureusement au
declin de sa vie, ce grand homme, haut de taille, portant sur ses
lourdes epaules, une grosse face rubiconde, benigne et naive, que
coupait une moustache blanche de vieux troupier, que dominait le vaste
ovale d'un front rouge, sur des yeux bleus, "dont la pupille, dit M. de
Maupassant, toute petite, semblait un grain noir t
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