er
en beaux vers les plus vagues sujets metaphysiques.
La tendance du poete aux antitheses s'explique d'une maniere analogue.
M. Taine, dans le premier livre de l'_Intelligence_; M. Lazarus, dans sa
monographie sur l'_Esprit et le langage_, montrent que nos mots sont
abstraits et absolus. Le mot "arbre" ne represente aucun arbre
particulier, qui pourrait etre de telle grandeur et de telle
disposition, mais bien un vague ensemble de masse globulaire verte
placee au haut d'un grand tronc gris-brun. Et ainsi delimite, l'arbre se
separe nettement de tout ce qui l'entoure, notamment du brin d'herbe a
son pied. Seul un esprit realiste sentira qu'il n'y a au fond aucune
demarcation entre les graminees des petites aux grandes, les ronces, les
arbustes, les scions, les petits arbres et les gros. Le mot "homme" de
meme, que nous nous figurons blanc, pourra etre verbalement oppose au
mot "bete" que nous imaginons quadrupede et velue; mais en fait, ces
mots font abstraction des grands singes marchant souvent debout et la
face glabre, ainsi que des peuplades sauvages, les Papouas et les
Boschimans, marchant courbes et les bras ballants jusqu'aux genoux, le
nez epate et la face fuligineuse. On peut poursuivre ce travail pour
tous les mots antithetiques, depuis lumiere-tenebres, desquels sont omis
les degradations crepusculaires, jusqu'a matiere-esprit, que relient les
manifestations de plus en plus subtiles de la force. On verra ainsi que
la nature ne contient pas de choses opposables, et que seul le langage
cree des mots qui le sont. Que M. Hugo dut s'abandonner a cette tendance
antithetique que les mots eux-memes et les mots seuls possedent,
paraitra naturel a qui aura suivi nos explications.
Nous passons aux facultes mentales du poete. Dans tous les precedents
paragraphes, nous avons tenu tacitement pour acquis que la pensee pure
de M. V. Hugo n'est ni constamment active, ni analytique, ni appliquee a
se conformer exactement a la nature des choses. Les faits que nous avons
exposes dans le deuxieme chapitre de notre etude justifient cette
petition de principe. Nous avons vu que M. Hugo se plait a executer des
variations, parfois extremement belles, sur les lieux-communs les plus
abuses, qu'en de nombreux endroits de son oeuvre, il s'inspire
visiblement des idees simples et parfois fausses, qui ont cours dans le
public sur des sujets familiers. C'est la le procede d'un homme peu
habitue a penser pour son propre compte, prompt a s
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