al du prince imperial, M. Zola percoit le blanc des
dentelles, le vert des piqueurs, la nappe bleue de la Seine, l'eclat des
aciers et le braisillement des glaces. En confirmation de ces faits, M.
Zola, critique d'art, defendit les coloristes extremes, notamment Manet.
Ces reserves diminuent deja dans une faible mesure l'aptitude de M. Zola
a reproduire exactement toute l'humanite actuelle, et marquent des
bornes a l'envergure de ce romancier, qui demeure cependant tres grande.
Il est une autre cause d'un ordre tout different qui empeche encore M.
Zola de voir et de rendre entierement toute la nature: son individualite
qui, dans l'ensemble totale des faits psychologiques et materiels, l'a
porte a en preferer une serie douee d'un caractere commun, a modifier
certains rapports, a denaturer certains aspects, a donner de tout ce
qu'il decrit une image notablement alteree dans le sens de ses
sympathies, c'est-a-dire de sa nature d'esprit. Les livres de M. Zola
n'echappent pas a la formule que lui-meme a donnee justement de toute
oeuvre d'art: "La nature vue a travers un temperament."
NOTES:
[Note 7: Le critique anglais Vernon Lee a emis une theorie analogue
dans son _Euphorion_.]
[Note 8: Ribot, _Maladies de la personnalite_, 1885.]
II
Tous les caracteres que presente l'humanite ne semblent pas a M. Zola
egalement dignes d'affection et d'indifference. Il en prefere certains,
les montre avec faveur, et les exalte au-dela du vrai. La sante physique
ou morale ou double lui parait adorable. Les quelques personnages loues
dans ses romans sont bien constitues dans leur corps et leur esprit, ont
des membres sans tare et une raison sans felure, sont logiques, forts et
humains. Le plein developpement corporel meme, si l'activite cerebrale
est atrophiee par les fonctions vegetatives et animales, est considere
par M. Zola comme magnifique. Desiree, la belle idiote de _la Faute_,
accroupie dans la chaleur de son poulailler et fremissante du rut de
ses betes, est decrite avec dilection, comme l'est aussi ce couple
bestial et rejoui de Marjolin et de Cadine, qui promene a travers les
Halles son impudicite. Meme quand cet equilibre physiologique s'allie a
une ame mechante et faible, M. Zola ne depouille point toute sympathie.
Le teint clair et le pouls calme de la belle Lisa sont admires dans le
_Ventre de Paris_, comme l'insolent bien-etre de Louise Mehudin et de sa
mere. Dans _Une Page_, la noble stature et le port junoni
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