est similaire.
Ayant ainsi delaisse le reel pour l'ideal, M. Zola devint necessairement
pessimiste et misanthrope. Comparant les fortes et completes creations
de son esprit aux etres que ses sens lui montrent, apercevant le moment
vital qu'il adore, la sante, la raison, la vertu, eparses, restreintes
et melees en d'imparfaites manifestations, M. Zola est rempli d'un
degout pitoyable ou ironique pour l'humanite. Il s'attache a presenter
de cruels contrastes ou les personnages dignes de bonheur sombrent dans
un incident grotesque. Florent, arrete et envoye a Cayenne pour s'etre
epouvante sur le cadavre d'une fille tuee par la troupe, passe, a son
depart, pres d'un carrosse de femmes dont les rires l'accompagnent. Le
peloton de gendarmes venu pour reprimer la greve des mineurs protege les
croutes de vol-au-vent destinees au diner du directeur. Le romancier
prend plaisir a ne point faire reconnaitre la bonte de ses personnages
sympathiques. Denise est poursuivie par d'incessantes medisances;
Pauline, grugee, est haie de Mme Chanteau. De lugubres incidents,
propres a faire douter de la justice sociale, la torture de Lalie par
son pere, l'arrestation de Martineau mourant, sont racontes avec
complaisance. Parmi les filles qui passent par l'eglise de l'abbe
Mouret, pas une n'est decente; des pecheurs de Bonneville, pas un
honnete; des bourgeois de _Pot-Bouille_, pas un estimable. Il accumule
les catastrophes, les insucces, les defaillances et les tares. Dans le
_Ventre de Paris_, les gredins triomphent des bons. La _Fortune des
Rougon_, la _Faute, Une page, Germinal_, sont souilles du sang des
justes. Si la _Curee, Son Excellence_, l'_Assommoir_ et _Nana_ ne se
terminent pas par un deuil digne d'etre plaint, c'est que leurs
personnages sont tous detestables. Et si les plaintes sur l'inutilite,
la tristesse et l'odieux de la vie humaine ne sont point constantes dans
les livres de M. Zola, c'est que le romancier, idealiste a demi,
persiste a l'adorer, meme en ses manifestations imparfaites, mais
actuelles et existantes.
Que l'on remonte maintenant de ce pessimisme, terme de notre analyse, a
la vue magnifiee des hommes et des choses dont il decoule; de celle-ci a
l'amour de la vie, de la force, de la sensualite, de la raison et de la
sante, ses causes; que l'on se rappelle le realisme de procedes et de
vision que ces ideaux resument, l'on aura, je pense, les gros lineaments
de l'oeuvre de M. Zola, sous lesquels les traits de sa
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