ennent des scenes et des gens d'une admirable variete,
des officieux du ministre aux convives de Saccard; a travers une
promenade au Bois et une seance du Corps Legislatif, le bapteme d'un
prince, un bal de filles, une fete de bienfaisance, un Compiegne,
circule une foule de personnes en chair, marquees, caracteristiques et
agissantes, Mme Bouchard, Maxime, Suzanne Haffner, du Poizat, qui
entourent ce colosse et ce gnome Eugene Rougon et Aristide Saccard.
L'_Assommoir_ et _Nana_ presentent en des pages connues tout le monde
des ouvriers, tout le monde des filles et des petits theatres.
_Pot-Bouille_, le _Bonheur des Dames_, _Germinal_ debitent chacun une
enorme tranche de la societe, dont une _Page d'Amour_ et la _Joie de
vivre_ detaillent un point.
Que l'on observe, en outre, que les personnages principaux de ces
groupes, dont l'ensemble reproduit une nation en raccourci, sont etudies
souvent en tous leurs contrastes individuels. Dans Eugene Rougon, M.
Zola marque le luxurieux, le bourgeois, l'avocassier, le courtisan, le
louche coquin autant que le ministre. Dans la _Joie_, Pauline est
detaillee des secrets de sa chair aux plis honteux de son ame. Clorinde
Balbi a une nature courtisane, mysterieuse, superieure et baroque. Nana
est naturelle, tendre, grossiere, ecervelee, stupide. Coupeau et
Gervaise passent par d'admirables gradations d'une bonne sante morale a
l'extreme abaissement. Que l'on joigne a l'image de tous ces etres celle
des lieux ou ils vivent, des chambres, des salons, des cabinets de
travail, des salles de spectacle, des echoppes, des magasins, des
galetas, des bouges, des ateliers; celle des rues qui relient ces
demeures, de l'avenue de l'Opera aux boulevards exterieurs, des ponts de
la Seine aux buttes de Passy, des ruelles de Plassans aux routes du
Coron; celle enfin des paysages qui enclosent ces villes, les seches
aretes de la Provence, les plaines blemes du Nord, les efflorescences
du Paradou, les deferlements des marees normandes, l'on aura dans une
dizaine de volumes un large ensemble de faits humains et physiques
reproduisant en abrege presque toute la complexite d'un pays en un
temps.
Quelques restrictions limitent, en effet, cette universalite. Les
personnages de M. Zola, s'ils comptent un nombre considerable d'etres
bas, infimes, incomplets, malades ou rudimentaires, ne comprennent
aucune des ames superieures et choisies, complexes, delicates et rares,
que montrent les hauts romanciers.
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