dans une de mes phrases, je suis sur que je
patauge dans le faux; a force de chercher, je trouve l'expression juste
qui etait la seule et qui est, en meme temps, l'harmonieuse." (Ib. p.
279.) "Ainsi pourquoi y a-t-il un rapport necessaire entre le mot juste
et le mot musical? Pourquoi arrive-t-on toujours a faire un vers, quand
on resserre trop sa pensee? La loi des nombres gouverne donc les
sentiments et les images, et ce qui parait etre l'exterieur est tout
bonnement le dedans?" (Ib. p. 283.)
_Analyses des faits; causes_.--Ces derniers passages sont extremement
significatifs; ils semblent indiquer en Flaubert le sentiment qu'entre
ses idees et la phrase particuliere dont il veut les revetir une lutte
existe, dans laquelle la forme l'emporte sur le fond et exclut celles
des pensees qu'elle ne peut figurer. Que l'on rapproche de cette
reflexion, le desaccord frequent note plus haut entre l'expression et
l'exprime, notamment dans les realistes ou les mots sont sans cesse
au-dessus des choses; enfin que l'on tienne compte de ce fait
extraordinaire que Flaubert a ecrit les oeuvres les plus diverses avec
le meme style, que sa _Lettre a la municipalite de Rouen_ est concue
comme le discours de Hanon dans le temple de Moloch, que Frederic Moreau
parle de Mme Arnoux comme saint Antoine d'Ammonaria; il paraitra evident
qu'en Flaubert, au-dessus de la division fondamentale de son esprit
egalement sollicite par le beau et par le reel, une tendance superieure
et unique existait, celle d'assembler en une certaine forme de phrase,
certaines categories de mots.
Cette aptitude et ce penchant verbaux sont permanents, antecedents,
fondamentaux. Car dans les caracteres memes de la syntaxe et du
vocabulaire de Flaubert, sont incluses les contradictions plus generales
que developpe son oeuvre.
Son amour du mot precis et definitif,--c'est-a-dire tel qu'il enserrat
une categorie bornee d'images et celle-ci seulement,--dut diriger son
esprit a l'intuition des choses individuelles, l'eloigner de toute
generalisation abstraite.
Son amour des beaux mots,--c'est-a-dire tels qu'ils soient sonores, ou
eveillent dans l'esprit des images exaltantes,--le determina a sentir et
a vouloir exprimer le grandiose, le magnifique, l'harmonieux, a
qualifier en termes enthousiastes des choses en soi minimes; par ces
mots, il echappe encore a l'abstraction, et evite de plus la secheresse
de l'analyse psychologique qu'il transpose en eclatantes descripti
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