ait tres-porte
pour la religion, comme chacun sait (ce qui ne l'empecha pas de trahir
d'une maniere infame la confiance de Bajazet); on sait aussi qu'il fit
de grandes tentatives pour lui faire abandonner la foi de ses peres.
Peut-etre espera-t-il que son amour pour la demoiselle de Blanchefort
opererait ce miracle. Peut-etre lui envoya-t-il la representation
repetee de cette jeune beaute dans toutes les seductions de sa parure,
et entouree du croissant en signe d'union future avec l'infidele, s'il
consentait au bapteme. Placer ainsi sous les yeux d'un prisonnier, d'un
prince musulman prive de femmes, l'image de l'objet desire, pour
l'amener a la foi, serait d'une politique tout a fait conforme a
l'esprit jesuitique. Si je ne craignais d'impatienter mon lecteur, je
lui dirais tout ce que je vois dans le rapprochement ou l'eloignement
des licornes (symboles de virginite farouche, comme on sait) de la
figure principale. La dame, gardee d'abord par ces deux animaux
terribles, se montre peu a peu placee sous leur defense, a mesure que
les croissants et le pavillon turc lui sont amenes par eux. Le vase et
l'aiguiere qu'on lui presente ensuite ne sont-ils pas destines au
bapteme que l'infidele recevra de ses blanches mains? Et, lorsqu'elle
s'assied sur le trone avec une sorte de turban royal au front,
n'est-elle pas la promesse d'hymenee, le gage de l'appui qu'on assurait
a Zizim pour lui faire recouvrer son trone, s'il embrassait le
christianisme, et s'il consentait a marcher contre les Turcs a la tete
d'une armee chretienne? Peut-etre aussi cette beaute est-elle la
personnification de la France. Cependant, c'est un portrait, un portrait
toujours identique, malgre ses diverses attitudes et ses divers
ajustements. Je ne demanderais, maintenant que je suis sur la trace de
cette explication, qu'un quart d'heure d'examen nouveau desdites
tentures pour trouver, dans le commentaire des details que ma memoire
omet ou amplifie a mon insu, une solution tout aussi absurde qu'on
pourrait l'attendre d'un antiquaire de profession.
[Note 2: M. de la Touche, qui a chante en beaux vers et decrit en
noble prose les graces et les grandeurs des sites du Berry et de la
Marche.]
Car, apres tout, le croissant n'a rien d'essentiellement turc, et on le
trouve sur les ecussons d'une foule de familles nobles en France. La
famille des Villelune, aujourd'hui eteinte, et qui a possede grand
nombre de fiefs en Berry, avait des croissants pour blason.
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