est un precipice encore plus accuse que Sainte-Severe. Le
chateau est encore mieux situe sur les rocs perpendiculaires qui bordent
le cours de la petite Creuse. Ce castel, fort bien conserve, est un joli
monument du moyen age, et renferme des tapisseries qui meriteraient
l'attention et les recherches d'un antiquaire.
J'ignore si quelque indigene s'est donne le soin de decouvrir ce que
representent ou ce que signifient ces remarquables travaux ouvrages,
longtemps abandonnes aux rats, ternis par les siecles, et que l'on
repare maintenant a Aubusson avec succes. Sur huit larges panneaux qui
remplissent deux vastes salles (affectees au local de la
sous-prefecture), on voit le portrait d'une femme, la meme partout,
evidemment; jeune, mince, longue, blonde et jolie; vetue de huit
costumes differents, tous a la mode de la fin du XVe siecle. C'est la
plus piquante collection des modes patriciennes de l'epoque qui subsiste
peut-etre en France: habit du matin, habit de chasse, habit de bal,
habit de gala et de cour, etc. Les details les plus coquets, les
recherches les plus elegantes y sont minutieusement indiques. C'est
toute la vie d'une merveilleuse de ce temps-la. Ces tapisseries, d'un
beau travail de haute lisse, sont aussi une oeuvre de peinture fort
precieuse, et il serait a souhaiter que l'administration des beaux-arts
en fit faire des copies peintes avec exactitude pour enrichir nos
collections nationales, si necessaires aux travaux modernes des
artistes.
Je dis des copies, parce que je ne suis pas partisan de l'accaparement
un peu arbitraire, dans les capitales, des richesses d'art eparses sur
le sol des provinces. J'aime a voir ces monuments en leur lieu, comme un
couronnement necessaire a la physionomie historique des pays et des
villes. Il faut l'air de la campagne de Grenade aux fresques de
l'Alhambra. Il faut celui de Nimes a la Maison Carree. Il faut de meme
l'entourage des roches et des torrents au chateau feodal de Boussac; et
l'effigie des belles chatelaines est la dans son cadre naturel.
Ces tapisseries attestent une grande habilete de fabrication et un grand
gout meles a un grand savoir naif chez l'artiste inconnu qui en a trace
le dessin et indique les couleurs. Le pli, le mat et les lustres des
etoffes, la maniere, ce qu'on appellerait aujourd'hui le _chic_ dans la
coupe des vetements, le brillant des agrafes de pierreries, et jusqu'a
la transparence de la gaze, y sont rendus avec une conscience et une
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