a martyrise dans un cachot, puis envoye comme un ballot dans le
plus rigoureux exil, a Guelma.
J'ai demande au prince si je devais m'adresser au nouveau ministre ou a
l'empereur lui-meme, pour obtenir que cet ouvrier _precieux_, cet ami
devoue, nous fut rendu; ou, _tout au moins_, si on pouvait le faire
libre sur la terre d'Afrique, afin qu'il put trouver de l'ouvrage et
faire venir sa famille aupres de lui. Le prince, ordinairement si exact
et si bon pour moi, ne m'a pas repondu.
Je n'ose pas l'importuner. D'une part, il doit etre tres occupe; de
l'autre, je lui ai peut-etre deplu, en lui disant que je resterais
l'amie d'une personne tres affligee qui avait besoin, plus que jamais,
des consolations de l'amitie. Je faisais pourtant avec impartialite,
avec justice, je crois, la part des exces momentanes du depit et du
chagrin.
Je vous demande de m'eclairer sur ma situation aupres de Son Altesse. Je
n'affiche pas une sotte fierte; mais j'ai l'amitie discrete, et, quand
je crois m'apercevoir qu'elle ne l'est plus, je regarde comme un grand
service qu'on veuille bien me le dire. Rien ne me fache, parce que ma
personnalite et mes interets ne sont jamais en jeu; mais j'avais mis mon
devoir a obtenir du prince le salut de mes amis malheureux et brises:
c'est lui qu'il m'eut ete doux de remercier et de faire benir par leurs
familles. Je ne croyais donc pas etre importune. J'espere encore, parce
que le prince a bien voulu dernierement faire placer M. Gabelin, victime
d'une affreuse injustice. Je l'en ai remercie aussitot que je l'ai
su. Mais je ne sais pas s'il recoit les lettres qu'on lui adresse rue
Montaigne.
Certes, je n'exige pas, pour avoir foi en lui, qu'il m'ecrive quand il
n'en a pas le temps; mais priez-le de me faire savoir, _par un mot_, ce
que je dois tenter ou esperer pour mon pauvre Patureau. Et, si c'est
vous qui me transmettez ce mot, je serai doublement contente de recevoir
de vos nouvelles et un bon souvenir de votre amitie, sur laquelle, vous
voyez, je compte toujours.
GEORGE SAND.
CDXXXVIII
AU MEME
Nohant, 12 septembre 1858.
Merci de votre bonne reponse, cher monsieur. Son Altesse a bien voulu,
par le meme courrier, m'en confirmer les excellentes expressions. Je
vous dois et je vous porte cordialement de la reconnaissance pour votre
precieuse intervention a propos de mes amis. Mais vous voila encore
force de me repondre trois lignes. Dans la note qu
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