e vous m'avez envoyee
pour Patureau, je trouve une obscurite sur laquelle je voudrais
eclaircie, avant de conseiller a celui-ci une localite en Afrique. La
note dit bien: _En quelle partie de l'Algerie veut-il aller?_ mais, dans
l'offre genereuse de quarante-neuf hectares, il n'est pas dit qu'il peut
les demander n'importe dans quelle province. Puisque, sur les versants
du Ressalch, pres Sidi-bel-Abbes, province d'Oran, il y a, d'apres les
renseignements fournis par mon neveu[1], beaucoup de bonnes terres
disponibles, j'aurais conseille a Patureau de s'y rendre, et de demander
de la terre par la, ou mon neveu et lui, bien que ne se connaissant pas
encore, eussent pu se rendre utiles l'un a l'autre. Mais j'ignore si je
dois donner cet avis; cela dependra du bon plaisir de Son Altesse, et je
vous demande ce mot d'explication, qui ne vous coutera qu'une question a
faire et une reponse a transmettre.
Je considererai comme un grand bonheur pour Patureau de pouvoir
s'etablir en Afrique, loin des passions de localite, et au sein d'une
grande nature qu'il est capable d'apprecier et de seconder. C'est une
veritable satisfaction de coeur que je dois la au prince et a vous, mon
tres gracieux avocat; je vous en remercie bien, bien, et vous prie de
me pardonner mes redites. Pour tout le reste, merci encore, aussi et
toujours! Quand j'irai a Paris, me demandez-vous? mon exil n'est pas
volontaire. Mais la librairie agonise, et on ne peut pas se figurer la
gene et le surcroit de travail de ceux qui vivent de leur plume. Il faut
dire cela en confidence a ses amis et qu'ils ne le redisent pas; car,
malgre l'exemple d'un grand poete, je n'admets pas que les poetes ne
sachent pas se resigner a manquer d'argent. N'est-ce pas leur etat? Tout
le chagrin de l'exil serait l'oubli de ceux que l'on aime; mais, pour
votre part, vous me dites qu'il n'en sera pas ainsi, et je n'ai pas a me
plaindre, du reste, des bonnes ames que j'ai rencontrees sur mon petit
chemin.
[1] Oscar Cazamajou.
CDXXXIX
A M. VICTOR BORIE, A PARIS
Nohant, 13 octobre 1858.
Mon cher vieux, nous regrettons que tu n'aies pu rester davantage avec
nous. Tache de t'affranchir pour qu'on te voie plus souvent.
Lambert part vendredi. J'ai longuement cause avec lui. Il est fort
abattu. Je suis d'avis qu'il essaye le theatre, _a condition_ qu'il ne
renoncera pas a la peinture. Je lui ai offert de rester ici tant qu'il
voudrait; ma
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