dell'arte_. Savez-vous ce que c'est? Vous le saurez quand vous aurez lu
son ouvrage, qui est l'histoire de ce genre de theatre, depuis les Grecs
jusqu'a nos jours; avec cinquante figures charmantes dessinees par lui
et gravees par Manceau. Maurice a ecrit le texte en quatre mois, et
c'est un tour de force; car jamais histoire n'a ete plus difficile a
repecher dans un monde d'ecrits, ou il lui fallait chercher pour trouver
quelquefois deux lignes. Enfin, il a ete recompense de ses peines,
autant qu'un artiste peut l'etre, en decouvrant, dans le _fleuve
d'oubli_, un grand, poete oublie en Italie et inconnu en France[1].
Mais ce poete-prosateur ecrit dans une langue impossible. Tous ses
personnages parlent un dialecte different: l'un le venitien, l'autre
le bolonais, un autre le padouan, un autre le bergamasque, un autre
l'anconais.
Et tout cela, non comme on le parle maintenant, mais comme on le parlait
en 1520.--Jugez quel eblouissement quand nous avons vu arriver ces vieux
bouquins tant cherches! Eh bien, la patience triomphe de tout; avec
notre peu d'italien et mes vagues souvenirs de venitien, nous avons tant
lu et relu, tant reflechi et tant compare, que nous sommes arrives a
comprendre et a traduire. Nous nous disions souvent que, si nous savions
votre dialecte, nous aurions lu peut-etre cela couramment. D'autre part,
des Italiens consultes ne pouvaient pourtant dechiffrer une phrase. Un
Bolonais ne pouvait lire le bolonais et nous disait que nous cherchions
a retrouver une langue perdue.--Enfin, nous l'avons retrouvee, meme
sans dictionnaire des dialectes; Maurice triomphait de tous ceux qui se
rapprochaient du Piemont, et moi de tous ceux qui se rapprochaient de
l'Adriatique.
Voila notre occupation de ces derniers temps. Je vous en ai fait part,
sachant que vous vous interessez a tout ce que nous faisons. Et puis je
veux vous dire quelque chose qui vous fera peut-etre plaisir et que vous
devez, je crois, penser aussi: c'est que me voila convaincue, pour ma
part, que les dialectes sont beaucoup plus beaux que les langues. Ils
sont plus vrais, ils ne se pretent pas a l'emphase, ils sont forces
d'exprimer des idees nettes et simples, des sentiments energiques, et
ils se pretent, en revanche, a des manifestations plus etendues de la
pensee, par un luxe d'epithetes et de verbes dont les langues faites et
chatiees n'approchent pas. Vous devriez, quand vous aurez des moments a
perdre, faire quelques chansons dans vot
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