lignes et des effets
de lumiere. Il y a des formes, une couleur generale dont il me semble
que j'aurais besoin de m'impregner. Si je m'ecoutais, je resterais
quelque temps ici; mais l'Italie! c'est mon reve, et, puisqu'il
m'appelle, il faut le suivre.
Voici pourtant sous mes yeux et autour de moi un pays splendide. Je me
rappelle ces paroles de Michelet a l'oiseau qui emigre: "La, derriere un
rocher, dit-il en parlant de la Provence, tu trouverais, je t'assure, un
hiver d'Asie ou d'Afrique." C'est vrai. La terre ici est saine et seche.
Apres ces pluies et ces brumes de notre hiver de Paris, je suis tout
etonne d'etre couche sur l'herbe et de voir, dans le chemin, les
troupeaux soulever des flots de poussiere. Les pins maritimes se
balancent sur ma tete dans une brise qui sent l'ete. L'immense vallee
qui me separe de la mer est comme une rade de fleurs et de pale verdure.
Ce ne sont qu'amandiers blancs, abricotiers roses, pechers roses, et les
oliviers au ton indecis flottant comme des nuages au milieu de toute
cette hative floraison. Marseille, comme une reine des rivages, est
la-bas assise au bord des flots bleus. La mer parait encore mechante,
car, malgre le chaud et le calme qui m'enveloppent ici, je vois bien les
masses d'ecume que le mistral fouette autour des apres rochers du golfe,
et meme je distingue la rayure des lames, bien plus gigantesques encore
que, de pres, on ne se l'imagine, puisque, a la distance de plusieurs
lieues, j'en suis le dessin et j'en saisis le mouvement.
15 mars.
Me voila enfin sur _le Castor_, en vue des cotes d'Italie. La journee
a ete claire et fraiche a bord. Les rivages escarpes sont toujours
magnifiques. Ce soir, le vent est tombe, la brume a envahi les horizons.
Trois goelands, qui nous suivaient au coucher du soleil et s'obstinaient
a vouloir percher sur la banderole de fumee noire que notre vapeur lance
a intervalles egaux, se sont enfin decides a nous quitter apres des cris
d'adieu d'une douceur etrange. Le phare de Nice perce le brouillard.
Presque personne n'est malade. Pour moi, je n'aurai jamais le plus petit
malaise en mer, je sens cela. J'ai un coin pour vous ecrire, et je vais
vous raconter les incidents de la journee.
D'abord, mon camarade le peintre, qui me prend pour un petit amateur
paresseux, et par qui je trouve assez commode d'etre pilote et protege,
m'a tenu compagnie tout le temps, et ne m'a pas fait grace d'un terme
du metier, en me montrant le ciel, la v
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