is
Tartaglia, nous nous tiendrions tranquilles. Il assure que cela ne
servira de rien; qu'on va nous ennuyer pendant six mois en nous
confrontant avec tous les belitres arretes pour d'autres mefaits; enfin,
que nos poursuites vont nous exposer a de pires aventures des que nous
quitterons Rome, et meme dans Rome, peut-etre. Il a l'air assez sur de
son fait. Peut-etre aussi fait-il partie de quelque respectable societe
en commandite pour le detroussement des voyageurs. Je ferai ce que lord
B*** jugera convenable.
Puisque je vous transmets l'opinion de Tartaglia, il faut que je vous
dise de quelle merveilleuse apparition il a charme l'instant de mon
reveil.
--Il est huit heures, Excellence. _C'est moi que vous_ avez charge de
vous faire lever.
--Tu en as menti. Je n'ai pas besoin et je ne veux pas de domestique.
--Moi, domestique, _mossiou?_ Vous n'y songez pas! Un Romain domestique!
Cela ne s'est jamais vu et ne se verra jamais.
--En verite? C'est donc comme ami que tu t'occupes de ma personne? Eh
bien, je n'ai pas besoin d'ami pour le moment. Va te promener!
--Vous avez tort, _mossiou!_ Tu _as souvent besoin d'un plus petit que_
SOI!
--Diantre! nous sommes erudits, meme en francais! Mais quel diable de
costume as-tu la?
--Un joli costume, n'est-ce pas, Excellence? J'ai mis ce que j'ai de
mieux en toilette du matin, et je vais vous dire pourquoi. Lord B*** m'a
promis hier un habillement. Je fais les commissions de la maison, et
milady ne veut pas que j'aie l'air d'un malheureux.
--Eh bien, est-ce la le gout de milady, cette toilette du matin?
--Je ne sais pas, _mossiou_; mais n'importe. On m'a promis des habits,
on m'en donnera. Seulement, si je me montre denue de tout, on me jettera
une vieille redingote de domestique; au lieu que, si on me voit comme
me voila, un peu elegant, on m'offrira un habit noir, encore bon, de la
garde-robe de milord.
Vous voyez que Tartaglia raisonne serre. Mais imaginez-vous son elegante
toilette: un habit de bouracan vert-olive ganse de noir, rapiece de
vert-bouteille aux coudes; un pantalon pareil, rapiece de vert-billard
aux genoux. Cela fait la gamme de tons la plus etrange et la plus
fausse. Ajoutez a cela un jabot de mousseline et des manchettes enormes,
tres-blanches, bien-plissees, mais percees de trous gigantesques; une
corde grasse, qui fut jadis une cravate de soie, et une sorte de berret,
autrefois blanc, aujourd'hui couleur des murailles de Rome, _objet de
|