ue de la caste, le diable
rapproche, dans une mysterieuse intimite, les individus places aux
points extremes de l'echelle sociale. Souvenez-vous que Rome est le pays
de la liberte par excellence. Entendons-nous: la liberte de faire le
mal! Il y a plus de deux mille ans que c'est ainsi.
--Je crois ce que vous me dites en voyant un vagabond comme ce Tartaglia
prendre possession de ce palais et de cette famille, comme ferait
un homme de confiance. Et pourtant nous sommes chez des Anglais qui
devraient avoir en execration un pareil specimen des moeurs locales!
--Rien de plus tolerant que les Anglais hors de chez eux, mon cher.
Voyager est pour eux une debauche d'imagination qui les soulage de la
roideur de leurs habitudes. Ceux-ci sont venus plusieurs fois en Italie,
et, si je ne les ai jamais rencontres a Rome, c'est que je ne m'y suis
pas trouve aux memes epoques, ou qu'ils n'avaient pas, pour se faire
remarquer, cette belle niece avec eux. Mais je vois bien que lord B***
connait le terrain, et, quand je l'ai vu, hier au soir, accueillir le
Tartaglia si amicalement, je me suis dit que lady B*** etait jalouse,
et que milord avait souvent besoin d'un eclaireur, d'un factionnaire ou
d'une vigie. Peut-etre bien aussi Tartaglia sert-il a la fois d'espion a
la femme et de confident au mari; mais je vous reponds qu'il satisfait
aux exigences de l'un et de l'autre sans en trahir aucun, son affaire
etant de vivre de leurs bonnes graces, et de vivre sans travailler,
ce qui est tout le probleme a resoudre dans l'existence du proletaire
romain.
--Ainsi, par fierte, ils refusent d'etre laquais; mais, par gout, ils
sont...
--Hommes d'intrigues! Ceux qui ne le sont pas sont forces de voler ou de
mendier. Si ce n'est par gout que beaucoup d'entre eux cherchent a vivre
des vices des classes riches, c'est au moins par besoin. Que voulez-vous
que fasse un peuple qui n'a ni commerce, ni industrie, ni agriculture,
ni relations avec le reste du monde? Il faut bien qu'il se mette a
sucer, comme un parasite, la seve de ces grands arbres qui etouffent les
plantes basses sous leur ombre. Cela vous indigne ou vous attriste? Bah!
c'est Rome, la merveille du monde, la ville eternelle de Satan, le
grand festin ou, parasites nous-memes, nous venons chercher, selon nos
aptitudes, l'art, le mystere, la fortune ou le plaisir. A bon entendeur,
salut! Pourvu que vous ne fassiez pas de scandale, tout ira bien pour
vous. Et, pour ma part, excepte de p
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