hospitalier, je vous
jure, pour les pauvres diables. Enfin, il m'a ete possible de penetrer
dans la ville et d'y chercher, a tout hasard, un coin pour dejeuner. Mon
camarade Brumieres n'avait pas voulu debarquer, sa princesse grecque ne
debarquant pas. Je l'ai donc laisse tout le jour sur _le Castor_, occupe
a tacher de renouer la conversation avec l'objet de ses pensees et a
tirer les vers du nez a ses domestiques. Et puis il est un peu comme le
harpiste, il meprise Genes, il meprise tout ce qui n'est pas Rome et les
sept collines.
Le hasard m'a conduit devant la porte du cafe de la _Concordia_. La
vue du petit jardin m'a tente. Je me suis fait servir le cafe sous
des orangers, de veritables orangers couverts d'oranges, au milieu
de plates-bandes fleuries auxquelles le soleil donnait des tons
resplendissants. Mais ne soupirez pas trop. Le climat de cette region
est, sinon aussi froid, du moins aussi variable que le notre. Nos
deplorables printemps de ces dernieres annees ont eu ici leur
contre-coup, et j'entendais dire autour de moi que cette belle journee
etait la premiere de l'annee. J'en ai remercie le ciel, qui m'a permis
de voir ainsi l'ancienne reine de la Mediterranee dans toute sa
splendeur. En tant que cite commercante, progressive et civilisee, elle
est bien detronee aujourd'hui par Marseille; mais, comme arrangement et
distribution pittoresques, il y a la difference d'une belle aventuriere
a une belle bourgeoise. La premiere un peu follement accoutree et melant
des ornements exquis a des parures risquees, mais ayant ces graces qui
entrainent ou ces originalites qui plaisent; l'autre plus sage, plus
soumise a la mode, decente, riche, propre, mais ressemblant a tout le
monde.
En somme, l'aspect general de Genes n'est pas satisfaisant, mais le
detail est souvent adorable. Les maisons peintes sont decidement une
laide chose; heureusement, la mode s'en perd. La ville, jetee sur
des plans inegaux, n'a ni queue ni tete, mais les _belles_ rues sont
curieuses et amusantes. On appelle ici les belles rues celles qui sont
bordees de beaux palais; par malheur, elles sont si etroites, que ces
beaux palais y sont enfouis. On passe en admirant les portes et les
dessous de la construction; mais il faut se tordre le cou pour voir
l'edifice, et encore, ne se fait-on, quelque part qu'on se mette, qu'une
idee vague de ses proportions et de son elegance.
Il faudrait consacrer une journee a chacune de ces demeures d'un style
|