endais certainement pas a une Italie aussi complete.
On m'avait dit qu'il n'y etait plus question de brigands depuis
l'occupation francaise, et il est de fait, m'assure-t-on, que, grace a
nous, _l'ordre_ est aussi bien etabli que possible dans un pays ou le
brigandage est comme une necessite fatale. Ceci m'a ete explique assez
peremptoirement, et je vous l'expliquerai plus tard. Vous etes presse
d'ouir mon aventure. Je vais tacher pourtant de vous la faire attendre
un peu, pour la rendre plus piquante. Ecoutez donc, ce n'est pas tous
les jours qu'on en a une pareille a raconter!
Debarques, ce matin, a Civita-Vecchia, apres nos adieux au _Castor_ et a
son excellent capitaine, M. Bosio, nous avons dejeune dans une auberge,
des fenetres de laquelle, plongeant sur le rempart, nous avons pu voir
des soldats francais se livrer a leurs exercices quotidiens avec cette
aisance qui les caracterise. Encore des visites de police sur le
batiment, encore les douanes sur le rivages; encore des visas, des
impots et des heures d'attente: toujours le voyageur arrache a sa
premiere impression, a son innocente fantaisie de courir a droite ou
a gauche sur la terre qu'il vient de toucher. Le voyageur est partout
suspect, il est partout susceptible d'etre un bandit, ce qui n'a jamais
empeche aucun bandit de debarquer, et aucun voyageur de trouver des
bandits indigenes ou autres, la ou il y en a pour l'attendre. Mais
je vous assure que les bandits gatent bien moins les voyages que les
precautions prises contre les honnetes gens. Les douanes sont aussi une
vexation barbare. On s'en sauve ici avec de l'argent; mais c'est encore
une chose blessante de ne pouvoir s'en sauver avec sa parole. Les
montagnes et les mers ne sont rien pour l'homme; mais il s'arrange pour
etre a lui-meme son obstacle et son fleau sur la terre que Dieu lui a
donnee.
Une diligence attendait que toutes ces formalites fussent remplies pour
nous transporter a Rome, en huit heures; ce qui, moyennant quatre relais
et de bons chevaux, me sembla exorbitant pour faire quatorze lieues.
Mais c'est ainsi! On perd une bonne heure a chaque relais, les
postillons ne voulant partir qu'apres avoir ranconne les voyageurs. Il y
a bien un conducteur qui est cense les faire marcher quand meme; mais
il s'en garde bien: il partage probablement avec eux. Il vous dit
philosophiquement que vous ne leur devez rien, mais qu'il ne peut pas
les faire obeir. On est donc a la discretion de ces droles
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