hose de plus que le gout de la magnificence, le
gout du beau. On va jusqu'a dire que, dans certains palais, des toiles
de grands maitres ont ete vendues aux etrangers par des gardiens
infideles, remplacees par des copies mediocres, et que les proprietaires
ne s'en sont pas encore apercus.
Je ne vous affirme nullement le fait; mais, pour vous resumer mon
impression generale, je vous dirai qu'ici tout est surprise charmante
ou brusque deception. Si j'eusse ete en humeur de travailler, le
pittoresque m'eut pourtant retenu; il est a chaque pas, dans une ville
aussi raboteuse; il faudrait s'arreter devant toutes ces ruelles qui se
tordent et se precipitent d'un plan a l'autre, passant sous des arcades
multipliees qui relient les maisons entre elles et projettent, sur ces
profondeurs brillantes, des ombres d'un veloute et d'une transparence
inouis. Oh! s'il ne s'agissait que de peinture, la vie tout entiere d'un
artiste minutieux pourrait bien se consumer devant une de ces ruelles
a perspective mouvementee! Mais il s'agit d'autre chose; il s'agit
d'avancer, de comprendre, de vivre si faire se peut!
Pendant que j'avalais Genes des yeux, des jambes et de l'esprit, mons
Brumieres poursuivait sa deesse. Mais voila ou Recommence l'aventure,
qui, j'espere, va vous faire oublier l'informe esquisse que je viens de
mettre sous vos yeux.
Quand, a huit heures du soir, je suis remonte, affame et harasse, sur
_le Castor_, j'ai trouve le pont tellement encombre de beau monde,
qu'on eut dit d'une fete. Ce bruit et cette foule venaient d'un notable
surcroit de passagers a bord; des Anglais, toujours des Anglais, et puis
quelques Francais et quelques indigenes, ces derniers ayant amene
la toute leur famille et tous leurs amis, qui, en maniere d'adieux,
causaient gaiement avec eux, en attendant le moment de lever l'ancre.
Au milieu de cette bagarre, que rendaient plus etourdissante les
chanteurs et guitaristes ambulants postes dans des barques autour du
_Castor_, et tendant leurs casquettes aux passagers, j'eus le temps de
remarquer, encore une fois, que le Genois etait expansif, babillard,
enjoue, commere et avenant. Cela etait, du moins, ecrit sur toutes les
figures et dans toutes les intonations de ceux qui parlaient le patois.
Les pretres surtout me parurent gais et semillants, ressemblant fort
peu, dans leurs allures, a ceux de France. On voit qu'ils sont meles
plus que les notres a la societe locale et a ses preoccupations
tempor
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