tement constitue. Je n'avais pour arme qu'une canne a tete de plomb,
et je regardais attentivement ce qu'ils trainaient dans l'herbe avec
precaution. Quand ils se redresserent a demi dans le fosse, je vis que
c'etait simplement de gros batons, circonstance qui acheva de me donner
confiance dans le succes de ma defense. Ils devaient avoir quelques
couteaux sous leurs habits, car ils ne paraissaient pas gens a se
permettre un grand luxe de pistolets. Il s'agissait de ne pas leur
donner le temps de faire usage de ces lames, bonnes ou mauvaises.
J'avais l'avantage de me trouver sur les derrieres sans avoir ete
apercu. Pendant que je faisais ces reflexions, me debarrassant de mon
caban qui m'eut gene, la caleche arrivait au lieu marque pour le coup de
main. Le postillon, sur une breve sommation, arretait ses chevaux, se
jetait a genoux et se tournait la face contre terre avec une resignation
vraiment edifiante. Cela reduisait d'un tiers les moyens de la defense.
Je crus devoir agir prudemment; et, comme lord B***, ouvrant la portiere
avec flegme, regardait devant lui a combien d'ennemis il avait affaire,
je lui fis signe de ne pas resister encore, ce qu'il comprit avec un
admirable sang-froid. Il mit donc pied a terre en leur disant avec un
sourire calme:
--Depechez-vous, mes bons amis: la diligence est derriere nous.
Cette menace parut ne pas les inquieter, et, voyant qu'il n'y avait
pas tentative de resistance, que les femmes ne criaient pas, et que,
d'elle-memes, elles descendaient precipitamment pour leur abandonner la
caleche, ils parlerent d'accommodement a l'amiable; et cela, dans des
termes d'une courtoisie comique, rendant grace a la _gentilezza del
cavaliere_ et hommage a la beaute des dames.
En ce moment, j'etais sur leurs talons, et, m'adressant au grand
chenapan, qui ne disait rien et tenait son baton leve sur la tete de
lord B*** par maniere d'intimidation, je dechargeai sur la sienne un si
bon coup de ma canne, qu'il tomba comme mort.
Ramasser le baton qui s'echappait de cette _main defaillante_, et en
assommer le bandit obsequieux qui traitait avec lord B*** fut pour ce
dernier l'affaire d'un instant. Le troisieme larron, qui tenait les
chevaux, ne m'attendit pas: il prit la fuite. Le quatrieme ne fit
guere mieux, et, apres avoir essaye de montrer son couteau, disparut
egalement.
Nous restions la avec un homme qui demandait grace, un autre, etendu
a terre, qui ne donnait pas signe de vie, un posti
|