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s (c'est l'Anglais qui parlait) quand on me dit que j'etais en age d'epouser miss Harriet. Moi, je me trouvais trop jeune et j'etais effraye d'entrer dans le grand monde, que je ne connaissais pas et que je n'etais pas bien presse de connaitre. J'etais un cadet de famille; j'avais tres-peu de quoi vivre. J'avais deja fait avec vous ce voyage aux Antilles. Je n'aimais pas precisement la marine; mais j'avais le gout de l'independance et de la locomotion. Miss Harriet m'avait pris en amitie, Dieu sait pourquoi! J'avais un beau nom, soit; mais pas d'usage, pas de talent, et pas grand esprit, comme vous savez! mais elle etait sentimentale, amoureuse de ma pauvrete et un peu monomane, je suppose. Des souvenirs d'enfance, une pitie que je ne lui demandais pas, un point d'honneur excentrique, le ciel vous preserve, mon cher, des femmes excentriques! l'orgueil d'enrichir un pauvre parent.... Dieu me damne si je sais quoi; enfin elle etait folle de moi et mourait de consomption si nous n'etions pas maries au plus vite. J'avais jure que je ferais le voyage de Ceylan avant de me mettre la corde au cou. --Pourquoi Ceylan? demanda le Francais. --Je ne m'en souviens pas, reprit le narrateur. C'etait mon idee, ma volonte. La volonte d'un homme devrait etre sacree. Mais miss Harriet etait jolie, tres-jolie meme, et je devins amoureux en la voyant si eprise de moi. Bref, nous fumes maries avec deux cent mille livres de rente, et c'est de ce jour-la que commence mon infortune... --Diantre! milord, fit l'autre en frappant sur la table, vous avez deux cent mille livres de rente? --Non, reprit l'Anglais avec un soupir qui fit vibrer son verre. J'en ai a present huit cent mille! ma femme a herite! --Eh bien, de quoi diable vous plaignez-vous? --Je me plains d'avoir huit cent mille livres de rente. Cela m'a cree des devoirs, des obligations, une foule de liens qui ne convenaient pas a mon caractere, a mon education, a mes gouts. J'aime a faire ma volonte, mais je ne suis pas mechant, et, n'ayant jamais pu vivre a ma guise, depuis que je suis marie, riche et considere, j'ai toujours ete tres-malheureux. --Comment donc ca? --Vous allez voir. Ma femme, des le lendemain du mariage, me fit homme du monde. Je n'etais pas ne pour ca. Je m'ennuyais dans la grandeur; j'aimais mieux la compagnie des gens simples. J'aurais voulu parler marine et voyages; il me fallait parler politique et litterature. Ma femme etait bas-bleu. Elle lisait
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