, monsieur, que je n'ai pas parle avec assez de clarte.
Veuillez m'en excuser. Je vous envoie mes temoins parce que vous avez
insulte mon pere.
--Moi, insulter votre pere, un ami de dix ans, un confrere que j'estime,
que j'honore! Vous n'etes pas dans votre bon sens, jeune homme!
--Vous l'avez insulte, monsieur, en declarant qu'il pouvait vous faire
une reduction sur le tarif de ses marchandises, ce qui etait insinuer
que ses benefices sont excessifs et par consequent iniques, puisqu'il
peut, selon vous, les reduire sur votre demande. C'etait enfin lui
reprocher de vous faire tort de la difference, dans le cas ou vous ne la
reclameriez pas, et l'accuser d'indelicatesse a votre prejudice. Vous
l'avez donc insulte. Je crois m'etre, cette fois, suffisamment
explique."
En entendant ces paroles, le Dijonnais ouvrait une bouche et des yeux
tout ronds. L'impossibilite ou il se trouvait de rien comprendre a ces
raisons l'accablait, et ce qui l'effrayait le plus, c'etait le calme et
la douceur avec lesquels elles etaient deduites. Onesime Dupont lui
parlait, en effet, de cette voix lente et melodieuse avec laquelle il
devait plus tard soutenir dans les clubs et a l'Assemblee nationale les
motions les plus terrifiantes.
"Jeune homme, dit en palissant le marchand de Dijon, l'un de nous deux
est fou, cela est certain et necessaire. Mais je crois fermement--et je
jurerais au besoin--que c'est vous. Je ne quitterai point Paris avant
d'avoir vu votre pere et de m'etre explique avec lui. Ce qui m'arrive a
cette heure est tellement etrange, que je ne croyais pas qu'il dut
jamais arriver rien de semblable, ni a moi ni, d'ailleurs, a personne
autre."
Et il sortit, accable d'une sorte d'etonnement et sentant qu'il allait
etre malade. Il le fut, en effet, et se mit au lit dans l'hotel de la
Victoire, rue du Coq-Heron.
Cependant Onesime Dupont ecrivit a deux sous-officiers de la caserne du
Chateau-d'Eau qu'il avait un service a leur demander. C'etaient deux
sergents bousingots qui servaient couramment de temoins aux redacteurs
du National et aux membres du club Esperance.
Mais des le lendemain le pere Dupont reprit sa place a son bureau. Il
acheva de vieillir derriere son grillage, ne cultiva point le jardin,
qui etait dans ses voeux, et ne greffa pas de poiriers.
Onesime, releve de ses fonctions commerciales, s'attacha uniquement aux
interets publics et fonda la societe secrete Truelle et Niveau, qui
inquieta par d'incessa
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