e mit au courant de lui: Mme de Villeparisis, craignant
de ne pas avoir emporte assez d'argent pour prolonger sa villegiature a
Balbec, et n'aimant pas, comme elle etait avare et craignait les frais
superflus, faire venir de l'argent de Paris, s'etait fait preter trois
mille francs par M. de Charlus. Celui-ci, un mois plus tard, mecontent
de sa tante pour une raison insignifiante, les lui reclama par mandat
telegraphique. Il recut deux mille neuf cent quatre-vingt-dix et
quelques francs. Voyant sa tante quelques jours apres a Paris et causant
amicalement avec elle, il lui fit, avec beaucoup de douceur, remarquer
l'erreur commise par la banque chargee de l'envoi. "Mais il n'y a pas
erreur, repondit Mme de Villeparisis, le mandat telegraphique coute six
francs soixante-quinze.--Ah! du moment que c'est intentionnel, c'est
parfait, repliqua M. de Charlus. Je vous l'avais dit seulement pour le
cas ou vous l'auriez ignore, parce que dans ce cas-la, si la banque
avait agi de meme avec des personnes moins liees avec vous que moi, cela
aurait pu vous contrarier.--Non, non, il n'y a pas erreur.--Au fond
vous avez eu parfaitement raison", conclut gaiement M. de Charlus en
baisant tendrement la main de sa tante. En effet, il ne lui en voulait
nullement et souriait seulement de cette petite mesquinerie. Mais
quelque temps apres, ayant cru que dans une chose de famille sa tante
avait voulu le jouer et "monter contre lui tout un complot", comme
celle-ci se retranchait assez betement derriere des hommes d'affaires
avec qui il l'avait precisement soupconnee d'etre alliee contre lui, il
lui avait ecrit une lettre qui debordait de fureur et d'insolence. "Je
ne me contenterai pas de me venger, ajoutait-il en post-scriptum, je
vous rendrai ridicule. Je vais des demain aller raconter a tout le monde
l'histoire du mandat telegraphique et des six francs soixante-quinze que
vous m'avez retenus sur les trois mille francs que je vous avais pretes,
je vous deshonorerai." Au lieu de cela il etait alle le lendemain
demander pardon a sa tante Villeparisis, ayant regret d'une lettre ou il
y avait des phrases vraiment affreuses. D'ailleurs a qui eut-il pu
apprendre l'histoire du mandat telegraphique? Ne voulant pas de
vengeance, mais une sincere reconciliation, cette histoire du mandat,
c'est maintenant qu'il l'aurait tue. Mais auparavant il l'avait racontee
partout, tout en etant tres bien avec sa tante, il l'avait racontee sans
mechancete, pour faire r
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