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une affaire; il n'y avait guere d'homme a qui ce ne fut arrive au moins une fois; tout allait rentrer dans l'ordre; ma mere oublierait cette triste periode et Marguerite ne me jugerait pas trop mal. Je m'endormis sur ce mol oreiller. Au milieu de la nuit, je m'eveillai net en pensant a Lhuilier. Je ne revais pas. Toutes les pensees qui me traversaient avaient pourtant cet aspect anormal, difforme, terrible que la meditation nocturne prete pour moi aux choses les plus simples. Je repris une a une toutes mes conclusions du soir. Elles me parurent insensees. De nouveau la situation fut sans issue et, quand je sortis du lit, le lendemain, je me sentis plus miserable, plus odieux, plus coupable que jamais. Une chose demeurait toutefois arretee dans mon esprit: je ne retournerais pas a l'agence Barouin. J'attendrais, je chercherais ailleurs; je vivrais provisoirement du travail de ma mere, et je ne retournerais pas a l'agence. En trempant une tranche de pain dans mon cafe, je me fortifiais dans cette certitude desesperante: "Voila, tu es un homme sans courage, une ame sans ressort, un coeur sans fierte. Voila!" Je pensais ces pensees, je pensais seulement, mais avec force. Or, il se produisit une chose invraisemblable, une chose qui me bouleversa. Ma mere, soudain, dit a voix haute: --Mais non, mais non, mon Louis! Quoi? Pourquoi ce "mais non"? Je vous assure que je n'avais fait que penser. Je vous assure que je n'avais pas meme remue les levres. Alors, ma mere me prit les mains et se mit a les caresser. Elle me disait des paroles si bonnes, si raisonnables: --Tu t'epuises a chercher. C'est une mauvaise periode. Attends une occasion. Rien ne presse. Repose-toi. Calme-toi. Va voir tes amis. Je vous assure que je n'avais pas ouvert la bouche, pas fait le moindre geste. Ma mere repetait en m'embrassant les mains: --Va voir tes amis. XV Mes amis! Je n'en ai pas d'amis. Si! J'en ai un, j'ai Lanoue. "Un ami", ce n'est pas la meme chose que "des amis" pour un coeur ambitieux. J'ai un peu de famille vague et lointaine. Vous savez: cette famille dont on a plutot peur d'entendre parler. Ah! Si j'avais un frere, un bon frere. Mais quoi? S'il ne me ressemblait pas, nous ne pourrions pas nous comprendre et, s'il me ressemblait, je ne l'estimerais pas. D'ailleurs, inutile de tracasser ce reve: je n'ai pas de frere. Revenons aux amis. Il y a ceux que je me sens enclin a cherir et qui ne me peu
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