mais tout
le monde n'a pas votre adresse et votre courage.
-- Que voila un vent frais! reprit Athos, c'est un souvenir de
l'hiver. A propos, dites-moi, si vous allez au feu, et vous irez,
car vous etes recommande a un jeune general qui aime fort la
poudre, souvenez-vous bien dans une lutte particuliere, comme cela
arrive souvent a nous autres cavaliers surtout, souvenez-vous bien
de ne tirer jamais le premier: qui tire le premier touche rarement
son homme, car il tire avec la crainte de rester desarme devant un
ennemi arme; puis, lorsqu'il tirera, faites cabrer votre cheval;
cette manoeuvre m'a sauve deux ou trois fois la vie.
-- Je l'emploierai, ne fut-ce que par reconnaissance.
-- Eh! dit Athos, ne sont-ce pas des braconniers qu'on arrete la-
bas? Oui, vraiment... Puis encore une chose importante, Raoul: si
vous etes blesse dans une charge, si vous tombez de votre cheval
et s'il vous reste encore quelque force, derangez-vous de la ligne
qu'a suivie votre regiment; autrement, il peut etre ramene, et
vous seriez foule aux pieds des chevaux. En tout cas, si vous
etiez blesse, ecrivez-moi a l'instant meme, ou faites-moi ecrire;
nous nous connaissons en blessures, nous autres, ajouta Athos en
souriant.
-- Merci, monsieur, repondit le jeune homme tout emu.
-- Ah! nous voici a Saint-Denis, murmura Athos.
Ils arrivaient effectivement en ce moment a la porte de la ville,
gardee par deux sentinelles. L'une dit a l'autre:
-- Voici encore un jeune gentilhomme qui m'a l'air de se rendre a
l'armee.
Athos se retourna: tout ce qui s'occupait, d'une facon meme
indirecte, de Raoul prenait aussitot un interet a ses yeux.
-- A quoi voyez-vous cela? demanda-t-il.
-- A son air, monsieur, dit la sentinelle. D'ailleurs il a l'age.
C'est le second d'aujourd'hui.
-- Il est deja passe ce matin un jeune homme comme moi? demanda
Raoul.
-- Oui, ma foi, de haute mine et dans un bel equipage, cela m'a eu
l'air de quelque fils de bonne maison.
-- Ce me sera un compagnon de route, monsieur, reprit Raoul en
continuant son chemin; mais, helas! il ne me fera pas oublier
celui que je perds.
-- Je ne crois pas que vous le rejoigniez, Raoul, car j'ai a vous
parler ici, et ce que j'ai a vous dire durera peut-etre assez de
temps pour que ce gentilhomme prenne de l'avance sur vous.
-- Comme il vous plaira, monsieur.
Tout en causant ainsi on traversait les rues qui etaient pleines
de monde a cause de la solennite de la fe
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