n homme envoye par le duc et qui
portait au cardinal une lettre dans laquelle, comme l'avait promis
le prince, il rendait temoignage de ce qu'avaient fait Porthos et
d'Artagnan.
Mazarin avait passe une fort mauvaise nuit lorsqu'il recut cette
lettre, dans laquelle le prince lui annoncait lui-meme qu'il etait
en liberte et qu'il allait lui faire une guerre mortelle.
Le cardinal la lut deux ou trois fois, puis la pliant et la
mettant dans sa poche:
-- Ce qui me console, dit-il, puisque d'Artagnan l'a manque, c'est
qu'au moins en courant apres lui il a ecrase Broussel. Decidement
le Gascon est un homme precieux, et il me sert jusque dans ses
maladresses.
Le cardinal faisait allusion a cet homme qu'avait renverse
d'Artagnan au coin du cimetiere Saint-Jean a Paris, et qui n'etait
autre que le conseiller Broussel.
XXIX. Le bonhomme Broussel
Mais malheureusement pour le cardinal Mazarin, qui etait en ce
moment-la en veine de guignon, le bonhomme Broussel n'etait pas
ecrase.
En effet, il traversait tranquillement la rue Saint-Honore quand
le cheval emporte de d'Artagnan l'atteignit a l'epaule et le
renversa dans la boue. Comme nous l'avons dit, d'Artagnan n'avait
pas fait attention a un si petit evenement. D'ailleurs d'Artagnan
partageait la profonde et dedaigneuse indifference que la
noblesse, et surtout la noblesse militaire, professait a cette
epoque pour la bourgeoisie. Il etait donc reste insensible au
malheur arrive au petit homme noir, bien qu'il fut cause de ce
malheur, et avant meme que le pauvre Broussel eut eu le temps de
jeter un cri, toute la tempete de ces coureurs armes etait passee.
Alors seulement le blesse put etre entendu et releve.
On accourut, on vit cet homme gemissant, on lui demanda son nom,
son adresse, son titre, et aussitot qu'il eut dit qu'il se nommait
Broussel, qu'il etait conseiller au Parlement et qu'il demeurait
rue Saint-Landry, un cri s'eleva dans cette foule, cri terrible et
menacant, et qui fit autant de peur au blesse que l'ouragan qui
venait de lui passer sur le corps.
-- Broussel! s'ecriait-on, Broussel, notre pere! celui qui defend
nos droits contre le Mazarin! Broussel, l'ami du peuple, tue,
foule aux pieds par ces scelerats de cardinalistes! Au secours!
aux armes! a mort!
En un moment la foule devint immense; on arreta un carrosse pour y
mettre le petit conseiller; mais un homme du peuple ayant fait
observer que, dans l'etat ou etait le blesse, le mouvement
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