utant pour Porthos. Et maintenant,
haissez-moi si vous pouvez, mais, moi, je vous jure que, malgre
votre haine, je n'aurai que de l'estime et de l'amitie pour vous.
Maintenant repetez mes paroles, Aramis, et apres, s'ils le
veulent, et si vous le voulez, quittons nos anciens amis pour
toujours.
Il se fit un instant de silence solennel qui fut rompu par Aramis.
-- Je le jure, dit-il avec un front calme et un regard loyal, mais
d'une voix dans laquelle vibrait un dernier tremblement d'emotion,
je jure que je n'ai plus de haine contre ceux qui furent mes amis;
je regrette d'avoir touche votre epee, Porthos. Je jure enfin que
non seulement la mienne ne se dirigera plus sur votre poitrine,
mais encore qu'au fond de ma pensee la plus secrete, il ne restera
pas dans l'avenir l'apparence de sentiments hostiles contre vous.
Venez, Athos.
Athos fit un mouvement pour se retirer.
-- Oh! non, non! ne vous en allez pas! s'ecria d'Artagnan,
entraine par un de ces elans irresistibles qui trahissaient la
chaleur de son sang et la droiture native de son ame, ne vous en
allez pas; car, moi aussi, j'ai un serment a faire, je jure que je
donnerais jusqu'a la derniere goutte de mon sang, jusqu'au dernier
lambeau de ma chair pour conserver l'estime d'un homme comme vous,
Athos, l'amitie d'un homme comme vous, Aramis.
Et il se precipita dans les bras d'Athos.
-- Mon fils! dit Athos en le pressant sur son coeur.
-- Et moi, dit Porthos, je ne jure rien, mais j'etouffe,
sacrebleu! S'il me fallait me battre contre vous, je crois que je
me laisserais percer d'outre en outre, car je n'ai jamais aime que
vous au monde.
Et l'honnete Porthos se mit a fondre en larmes en se jetant dans
les bras d'Aramis.
-- Mes amis, dit Athos, voila ce que j'esperais, voila ce que
j'attendais de deux coeurs comme les votres; oui, je l'ai dit et
je le repete, nos destinees sont liees irrevocablement, quoique
nous suivions une route differente. Je respecte votre opinion,
d'Artagnan; je respecte votre conviction, Porthos; mais quoique
nous combattions pour des causes opposees, gardons-nous amis; les
ministres, les princes, les rois passeront comme un torrent, la
guerre civile comme une flamme, mais nous, resterons-nous? j'en ai
le pressentiment.
-- Oui, dit d'Artagnan, soyons toujours mousquetaires, et gardons
pour unique drapeau cette fameuse serviette du bastion de Saint-
Gervais, ou le grand cardinal avait fait broder trois fleurs de
lis.
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