hos salua d'Artagnan.
Mazarin aimait presque autant les beaux soldats que Frederic de
Prusse les aima plus tard. Il se mit a admirer les mains
nerveuses, les vastes epaules et l'oeil fixe de Porthos. Il lui
sembla qu'il avait devant lui le salut de son ministere et du
royaume, taille en chair et en os. Cela lui rappela que l'ancienne
association des mousquetaires etait formee de quatre personnes.
-- Et vos deux autres amis? demanda Mazarin.
Porthos ouvrait la bouche, croyant que c'etait l'occasion de
placer un mot a son tour. D'Artagnan lui fit un signe du coin de
l'oeil.
-- Nos autres amis sont empeches en ce moment, ils nous
rejoindront plus tard.
Mazarin toussa legerement.
-- Et monsieur, plus libre qu'eux, reprendra volontiers du
service? demanda Mazarin.
-- Oui, Monseigneur, et cela par un devouement, car M. de Bracieux
est riche.
-- Riche? dit Mazarin, a qui ce seul mot avait toujours le
privilege d'inspirer une grande consideration.
-- Cinquante mille livres de rente, dit Porthos.
C'etait la premiere parole qu'il avait prononcee.
-- Par pur devouement, reprit Mazarin avec son fin sourire, par
pur devouement alors?
-- Monseigneur ne croit peut-etre pas beaucoup a ce mot-la?
demanda d'Artagnan.
-- Et vous, monsieur le Gascon? dit Mazarin en appuyant ses deux
coudes sur son bureau et son menton dans ses deux mains.
-- Moi, dit d'Artagnan, je crois au devouement comme a un nom de
bapteme, par exemple, qui doit etre naturellement suivi d'un nom
de terre. On est d'un naturel plus ou moins devoue, certainement;
mais il faut toujours qu'au bout d'un devouement il y ait quelque
chose.
-- Et votre ami, par exemple, quelle chose desirerait-il avoir au
bout de son devouement?
-- Eh bien! Monseigneur, mon ami a trois terres magnifiques: celle
du Vallon, a Corbeil; celle de Bracieux, dans le Soissonnais, et
celle de Pierrefonds dans le Valois; or, Monseigneur, il
desirerait que l'une de ses trois terres fut erigee en baronnie.
-- N'est-ce que cela? dit Mazarin, dont les yeux petillerent de
joie en voyant qu'il pouvait recompenser le devouement de Porthos
sans bourse delier; n'est-ce que cela? la chose pourra s'arranger.
-- Je serai baron! s'ecria Porthos en faisant un pas en avant.
-- Je vous l'avais dit, reprit d'Artagnan en l'arretant de la
main, et Monseigneur vous le repete.
-- Et vous, monsieur d'Artagnan, que desirez-vous?
Monseigneur, dit d'Artagnan, il y aura vingt ans
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