tant de bruit que ce qu'avait prevu Broussel arriva. Un
peloton de gardes balaya avec la crosse des mousquets cette
multitude, assez inoffensive du reste; mais aux premiers cris de
"La garde! les soldats!" Broussel, qui tremblait qu'on ne le prit
pour l'instigateur de ce tumulte, se fourra tout habille dans son
lit.
Grace a cette balayade, la vieille Gervaise, sur l'ordre trois
fois reitere de Broussel, parvint a fermer la porte de la rue.
Mais a peine la porte fut-elle fermee et Gervaise remontee pres de
son maitre, que l'on heurta fortement a cette porte.
Mme Broussel, revenue a elle, dechaussait son mari par le pied de
son lit, tout en tremblant comme une feuille.
-- Regardez qui frappe, dit Broussel, et n'ouvrez qu'a bon
escient, Gervaise.
Gervaise regarda.
-- C'est M. le president Blancmesnil, dit-elle.
-- Alors, dit Broussel, il n'y a pas d'inconvenient, ouvrez.
-- Eh bien! dit le president en entrant, que vous ont-ils donc
fait, mon cher Broussel? J'entends dire que vous avez failli etre
assassine? -- Le fait est que, selon toute probabilite, quelque
chose a ete trame contre ma vie, repondit Broussel avec une
fermete qui parut stoique. -- Mon pauvre ami! Oui, ils ont voulu
commencer par vous; mais notre tour viendra a chacun, et ne
pouvant nous vaincre en masse, ils chercheront a nous detruire les
uns apres les autres. -- Si j'en rechappe, dit Broussel, je veux
les ecraser a leur tour sous le poids de ma parole. -- Vous en
reviendrez, dit Blancmesnil, et pour leur faire payer cher cette
agression.
Mme Broussel pleurait a chaudes larmes; Gervaise se desesperait.
-- Qu'y a-t-il donc? s'ecria un beau jeune homme aux formes
robustes en se precipitant dans la chambre. Mon pere blesse? --
Vous voyez une victime de la tyrannie, dit Blancmesnil en vrai
Spartiate. -- Oh! dit le jeune homme en se retournant vers la
porte, malheur a ceux qui vous ont touche, mon pere! -- Jacques,
dit le conseiller en le relevant, allez plutot chercher un
medecin, mon ami. -- J'entends les cris du peuple, dit la vieille;
c'est sans doute Friquet qui en amene un; mais non, c'est un
carrosse.
Blancmesnil regarda par la fenetre. -- Le coadjuteur! dit-il.
-- M. le coadjuteur! repeta Broussel. Eh! mon Dieu, attendez donc
que j'aille au-devant de lui!
Et le conseiller, oubliant sa blessure, allait s'elancer a la
rencontre de M. de Retz, si Blancmesnil ne l'eut arrete.
-- Eh bien! mon cher Broussel, dit le coadjuteu
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